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Aux commandes de l'Italie depuis le 22 octobre 2022, Giorgia Meloni a suscité beaucoup d'espoir national et de craintes internationales en prenant la tête du gouvernement le plus à droite depuis 1946. Cette méfiance des investisseurs étrangers s'est traduite par une prime de risque sur les obligations d'État à 10 ans révélée par l'écart grandissant avec le taux allemand à l'approche de l'élection puis immédiatement après son accession au pouvoir. Un sacré coup de semonce pour le pays européen le plus endetté après la Grèce. Mais les inquiétudes se sont vite apaisées et le spread est rapidement revenu à son niveau antérieur.


Répondre à l'hiver démographique


Car le constat est celui d'une présidence « normale » ; aucune révolution à l'horizon. Giorgia Meloni a en partie conquis le pouvoir sur un discours anti-immigration très dur. Or, la réalité est celle d'une économie qui ne peut pas tourner sans l'apport des étrangers. Décès en hausse, naissances en baisse, le solde naturel démographique italien est invariablement négatif depuis 2007, sans aucune chance de retournement à court terme compte tenu d'un taux de fécondité trop faible et de l'émigration notamment des jeunes diplômés. En moins de 20 ans le nombre d'Italiens vivant à l'étranger a doublé pour atteindre aujourd'hui 6 millions.


Si ces tendances se poursuivent, la diminution de la population totale et plus encore en âge de travailler ira en s'accélérant avec des répercussions en cascades sur la croissance, les recettes fiscales, le déficit public et le financement du système de retraite. Face à cet « hiver » démographique, le gouvernement Meloni a renforcé la politique nataliste déjà mise en place avec pêle-mêle : une augmentation importante des allocations familiales ; l'extension du congé maternité ; l'instauration d'un crédit d'impôt pour les entreprises embauchant des femmes. Autant de dispositions dont les effets se mesureront sur un temps long. Dans l'urgence, le gouvernement s'est donc résolu à octroyer 450 000 titres de séjour à des travailleurs étrangers d'ici 2025. Il faut remonter plus de dix ans en arrière pour trouver un tel « appel à candidature » à des travailleurs en dehors de l'Union Européenne.


Fuite des cerveaux


Quant à la conduite de la politique économique et budgétaire, aucun bras de fer n'a été engagé avec Bruxelles et le gouvernement suit une feuille de route somme toute assez conventionnelle. Sur le plan des recettes fiscales, l'exécutif a décidé des réductions d'impôts en faveur des artisans, commerçants, chauffeurs de taxis et autres petits entrepreneurs, une composante notable de son électorat. La réforme de l'impôt sur le revenu visant un taux unique pour tous, une promesse électorale, est lancée. Avec la fusion des deux premières tranches pour offrir un taux allégé de 23% jusqu'à 28 000 euros de revenu annuel, contre 25% auparavant, elle ne s'adresse à ce stade qu'aux classes moyennes, lui retirant son caractère controversé d'un cadeau fait aux riches. C'est enfin l'instauration d'une taxe sur les superprofits des banques.


Côté dépenses, dans une logique d'assainissement des finances publiques, le gouvernement a remplacé le revenu universel par un chèque « d'inclusion » au périmètre beaucoup plus limité. Le « super bonus 110 », un système d'aides à la rénovation des logements ultra coûteux, premier responsable de la dérive du déficit public ces dernières années a été arrêté.


Ce dispositif est emblématique. Il pose la question de l'utilisation à bon ou à mauvais escient de l'espace d'endettement budgétaire apparu grâce à la mise en place du plan européen « Next Generation » qui représente pour le pays près de 200 milliards d'euros de prêts et de subventions. Une opportunité historique pour mettre en place des réformes et investissements permettant un relèvement de la croissance potentielle estimée aujourd'hui à moins de 0,5%. Selon l'Union des chambres de commerce, une offre d'emploi sur deux ne trouve pas preneur, parce que les profils recherchés sont introuvables même pour les postes qualifiés. C'est révélateur de la carence du système de formation-éducation et pointe le problème de la fuite des cerveaux. L'omniprésence de l'économie informelle (11% du PIB), la fracture persistante entre le Nord et le Sud font partie de ces défis structurels comme celui du redressement de la productivité.


Or sur ces sujets peu ou pas d'avancées. Alors bien sûr, la croissance italienne est depuis deux ans supérieure à celle de la zone euro ; le taux de chômage recule et le déficit public se réduit rendant crédible l'objectif de 3% d'ici 2026. Mais c'est plus une histoire de pragmatisme et de circonstance avec ce risque « il faut que tout change pour que rien ne change » donc une Italie qui reste figée.


Publié le mardi 25 juin 2024 . 4 min. 54

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