Cinq mois de tractations et d’atermoiements. C’est le temps qu’il a fallu à l’Autriche pour se trouver un nouveau gouvernement. Malgré sa victoire électorale, le leader d’extrême droite a échoué à former une majorité. C’est donc finalement une coalition tripartite, constituée des conservateurs, des socio-démocrates et des libéraux, qui arrive au pouvoir dans un contexte économique dégradé : le budget 2025 n’a toujours pas été voté, mais pire encore, cela fait plus de deux ans que le pays flirte ou est techniquement en récession alors qu’il est pourtant considéré comme l’un des plus solides et stables d’Europe. Bilan, le PIB a reculé pour la deuxième année consécutive en 2024, et les perspectives pour 2025 sont peu encourageantes, pas plus de 0,5% de croissance. Le taux d’inflation, lui, reste nettement au-dessus de la moyenne européenne et l’écart s’est encore creusé en début d’année.
Une puissance économique sous pression
Le contraste est saisissant entre la situation actuelle et l’accumulation des bonnes performances passées. Ce petit pays, d’à peine plus de 9 millions d’habitants, pas plus grand que la région Nouvelle-Aquitaine, s’est hissé dans le top 30 mondial des puissances économiques et à la 12ème place en Europe. Avec un PIB par habitant proche de 60 000 dollars par an, le pays est l’un des plus riches d’Europe, au 7ème rang devant l’Allemagne et la France.
Un modèle industriel exemplaire mais fragilisé
Le succès économique de l’Autriche est avant tout un succès industriel, que le pays doit à ses entreprises de taille intermédiaire (ETI) complétées par un réseau très dense de PME, généralement familiales, très innovantes, centrées sur des marchés de niche à haute valeur ajoutée, axées sur l’exportation, connectées notamment à l’Europe centrale avec comme locomotive l’Allemagne. Parmi les principaux points forts : la métallurgie, l’électrochimie et l’ingénierie. Les recettes du succès passent aussi par une spécialisation sectorielle par Lander, organisé en un écosystème avec ce souci permanent d’échapper à la concurrence par les coûts : Haute-Autriche (sidérurgie, chimie, mécanique) ; Salzbourg (bois-papier, électricité) ; Vorarlberg (textile-habillement) ; Carinthie (bois, pâte à papier, industrie papetière) ; Styrie (automobile) et enfin Vienne dans les services financiers.
Un essoufflement industriel préoccupant
Hier force, aujourd’hui faiblesse, le cœur industriel du pays bat plus lentement : la production manufacturière ne cesse de décliner et est tombée sous son niveau d’avant Covid. Quant aux exportations, elles font grise mine et se sont fortement contractées. Alors que se profilent les conséquences à venir de la flambée des droits de douane américains sur les produits européens, les industriels autrichiens doivent déjà affronter deux vents contraires. D’une part, ils doivent composer avec la paralysie de l’industrie allemande. Mission impossible, car ce débouché est incontournable : 30% des exports du pays lui sont destinés. D’autre part, le « made in Austria » subit une lourde perte de compétitivité, conséquence directe du sevrage brutal du gaz russe.
Une crise énergétique aux répercussions durables
L’Autriche, historiquement proche du Kremlin, a longtemps bénéficié de conditions énergétiques avantageuses, rendant ses industries énergivores particulièrement vulnérables à cette rupture. Le choc y est donc bien plus sévère qu’ailleurs, entraînant une forte pression sur les coûts de production, d’autant qu’est venu se greffer un effet de second tour manifesté par une forte hausse des salaires (21% au cours des trois dernières années contre 15% en zone euro). L’autre point fort, le tourisme hivernal, ne va pas beaucoup mieux. À l’ombre de l’Allemagne, l’Autriche connaît des jours difficiles.
Publié le mardi 04 mars 2025 . 4 min. 05
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