« Scandaleux et inacceptable » : une fois de plus, le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orbán n’a pas mâché ses mots envers l’Europe. Cette fois-ci, c’était après la décision de la Cour de justice de l’UE. Budapest est sommée de payer une amende de 200 millions d’euros pour non-respect du droit d'asile, assortie d’un million d’euros supplémentaire par jour tant que le pays ne se conforme pas à l’arrêt rendu le 13 juin. Si rien n’est fait, la facture atteindra 400 millions d’euros fin décembre. Ce n’est pas anecdotique, ce différend n’est que l’énième épisode d’un long conflit entre Orbán et l’Union européenne, avec en toile de fond le leitmotiv : l’État de droit. Ces tensions récurrentes aboutissent souvent au gel des fonds européens destinés à la Hongrie, mettant en jeu des milliards d’euros vitaux pour le pays.
Vulnérabilité économique de la Hongrie
Située au cœur de l’Europe centrale, la Hongrie compte un peu moins de 10 millions d'habitants, ce qui la situe entre la Grèce et l’Autriche. 17ème économie de l’UE à 27 avec un PIB d’un peu moins de 200 milliards d’euros, le pays pèse à peine plus de 1,1% de l’ensemble. À 20 500 euros, son PIB par habitant est nettement inférieur à la moyenne européenne, ce qui place le pays en bas de classement, à la 23ème place. L’aide en provenance de l’Europe, qui représente environ 4% de son PIB annuel, est d’autant plus indispensable que deux de ses principaux atouts sont remis en question. C’est le cas de ses relations commerciales privilégiées avec la Russie, fournisseur historique du pays en gaz bon marché, en pétrole et partenaire incontournable dans le développement de son parc nucléaire. Le lien « énergétique » entre les deux partenaires a été maintenu après le déclenchement de la guerre en Ukraine au grand dam de l’Europe qui voit ainsi sa stratégie défiée : le pétrole russe couvre encore plus de 85% des importations. Certes, le pays bénéficie d'une exemption à l'embargo pétrolier européen du fait de sa géographie, mais la pression monte pour qu’il diversifie ses sources d’approvisionnement notamment en gaz naturel où les besoins sont toujours couverts à près de 80% par du gaz russe.
Imbrication industrielle avec l'Allemagne
Proximité géographique, historique et culturelle conjuguée à des compétences industrielles et des coûts de production très bas ont permis la mise en place d’une véritable économie de bazar par l’Allemagne dans les Pays d’Europe Centrale et Orientale. La Hongrie fait partie du lot. La structure des échanges commerciaux bilatéraux dévoile la force du lien entre les deux pays. À la fois premier débouché et premier fournisseur, l’Allemagne est incontournable et écrasante. La simple comparaison des cycles industriels entre les deux pays montre à quel point les deux industries manufacturières sont imbriquées. C’est le cas notamment dans l’automobile. Des entreprises comme Audi, Mercedes-Benz ont implanté d’importantes usines en Hongrie, faisant du pays un hub majeur pour la production automobile en Europe centrale. Dans l’électronique, 22% de la production manufacturière hongroise, Bosch et Siemens ont investi dans des centres de recherche et de production. Des industriels allemands présents également dans le secteur pharmaceutique. Les Allemands ne sont pas seuls à avoir investi en Hongrie, Italiens, Français, beaucoup sont venus s’installer pour bénéficier d’une main-d’œuvre à la fois formée et parmi les moins chères d’Europe, moins de 15 euros par heure, c’est 63% inférieur au coût moyen dans la zone euro et plus de 3 fois moins par rapport à l’Allemagne ou la France.
Dépendance risquée aux fonds européens
Quand l’Europe, la zone euro plus particulièrement, cale, la Hongrie s’arrête, voire recule, la puissance de son moteur domestique étant encore trop faible pour entraîner l’ensemble comme cela a été le cas en 2023. La reprise s’annonce pour le moins poussive et chaotique. En défiant l’Europe tout en dépendant de ses fonds, la Hongrie joue un jeu risqué. Son économie, profondément imbriquée dans les chaînes de valeur européennes, montre qu’un dialogue avec Bruxelles est essentiel. Sans cela, la Hongrie risque de décrocher et de voir d’autres pays des PECO prendre sa place comme partenaire privilégié de l’Union européenne.
Publié le mardi 26 novembre 2024 . 4 min. 09
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