La Suisse est un modèle productif unique en Europe. Dépourvue de ressources naturelles importantes et sans accès maritime, elle a su maintenir une base industrielle solide, qui représente encore près de 20% de son PIB, soit quasiment le double de la France, et elle rivalise avec l’Allemagne. Cette industrie ultra-compétitive lui permet encore aujourd’hui d’engranger des excédents commerciaux alors même qu’elle doit composer avec une monnaie forte, un coût du travail nettement plus élevé qu’ailleurs et un environnement conjoncturel difficile chez ses principaux voisins. De fait, alors que les industriels européens en général, et allemands en particulier, connaissent des chutes de production, les entreprises suisses maintiennent le cap.
Des pôles d'excellence
Le succès industriel helvète s’articule autour de quelques pôles d’excellence. En figure de proue : l’industrie chimique et pharmaceutique. Emmenée par Novartis, Roche, Sandoz et tant d'autres, ce secteur représente à lui seul plus de la moitié des exportations totales du pays et contribue à environ 7% du PIB. Cette spécialisation a permis au pays d’échapper à une récession violente en 2020. Le recul de 2,2% du PIB a été comparable au choc subi en 2009, alors que les grandes économies européennes subissaient un décrochage inédit depuis 1945.
Un secteur chimie-pharma sur-vitaminé, mais des positions fortes aussi dans la métallurgie, les équipements électriques, les instruments de précision, l’optique, l’horlogerie-bijouterie-joaillerie, sans oublier les industries agroalimentaires avec Nestlé. Aux côtés de grands groupes emblématiques, la Suisse dispose aussi d’un tissu très dense de PME tournées vers l’extérieur, organisées en un écosystème avec ce souci permanent d’échapper à la concurrence par les coûts, donc de développer des produits de niche, haut de gamme, permettant de pratiquer des prix élevés. Cela nécessite un effort d’innovation et de R&D nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE ou de ses partenaires, à l’exception des Allemands.
Des prix de l’électricité maîtrisés
Le succès suisse, c’est aussi une affaire de circonstances. Les entreprises, comme les consommateurs, ont bénéficié du mix électrique du pays, fait de nombreux barrages hydroélectriques et de centrales nucléaires qui lui assurent son autonomie sur une partie de l’année. De plus, le système de tarification n’accroche pas le prix de gros de l’électricité à celui du gaz. Résultat, la flambée des prix de l’énergie (hors carburants) y a été moins intense que dans les pays de la Zone euro et l’inflation générale y est demeurée plus mesurée, avec cette double incidence : la hausse des prix a moins mordu sur le pouvoir d’achat et permis à la consommation des ménages de mieux résister. La Banque Nationale Suisse s’est aussi retrouvée avec plus de flexibilité pour mener sa politique monétaire.
Des perspectives de croissance encore supérieures à la zone euro
Une industrie forte, mais aussi un secteur financier hors norme, qui emploie 5,4% de la main-d’œuvre du pays, engendre un peu plus de 7,5% de ses recettes fiscales et génère plus de 9% du PIB. Et il ne s’agit là que des effets directs. Le secteur financier est un catalyseur pour tous les autres secteurs. Les recettes fiscales qui y sont liées permettent de financer les infrastructures, le système éducatif, la recherche, etc. Loin de s’opposer, le secteur financier, l’industrie et l’immobilier sont complémentaires et se renforcent. À cela s’ajoute la force d’un secteur agricole, soutenu par des mesures protectionnistes efficaces. Bien entendu, dans une Europe malade, la Suisse ne peut, seule, être un îlot de prospérité et se fait rattraper par la morosité ambiante. Toutefois, les perspectives de croissance restent encore une fois supérieures à celles de la zone euro. À bien des égards, la Suisse reste un OVNI économique en Europe.
Publié le jeudi 10 octobre 2024 . 4 min. 30
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d'Alexandre Mirlicourtois
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