Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
La Commission européenne a confirmé le délai de deux ans accordé à la France pour revenir dans les clous des 3% de déficit public. Elle a d’ailleurs fixé un calendrier précis : 3,6 % du PIB en 2014 et 2,8 % en 2015, après 3,9 % cette année selon les prévisions du gouvernement. Un objectif qui est le moteur de la politique économique de la France : réduire le déficit et l’endettement public. Un discours qui est repris en cœur le petit monde politique et économique et amplement relayé par les médias. Mais un discours qui oublie, ou plutôt qui masque, un autre déficit abyssal, catastrophique, et beaucoup plus stratégique : celui du commerce extérieur. Voilà maintenant 8 ans que la France est tombée dans le rouge et dans le rouge foncé même. Depuis la mi-2011, le solde campe entre -60 et -70 milliards d’euros. Pourtant, il y a bel et bien un lien direct entre ce déficit et celui de nos comptes publics. Le gouffre commercial français relève d’un déficit de compétitivité et non d’une surchauffe transitoire de la demande intérieure. Le resserrement de la base productive et le recours aux importations se traduit par une contraction structurelle des ressources fiscales. La majorité des économistes parle volontiers de déficits jumeaux ou de double déficit pour désigner une telle situation. Pourtant, ce n’est pas la bonne filiation. Lorsqu’il y’a un problème d’offre, c’est du déséquilibre extérieur que naît le déficit public. Ce dernier en est en quelque sorte le descendant, et non le frère du déficit commercial. Alors certes, en toute rigueur, il faut dépasser les seuls échanges de biens, et privilégier la notion plus vaste de balance courante, qui intègre aussi les échanges de services, de revenus et de transfert courants avec l’extérieur. Mais comme vous pouvez le voir, l’excédent des services ne corrige pas, loin de là, le déficit des biens. Le solde courant est lui aussi négatif, suivant de très près le solde commercial. Ce qui veut dire que pour s’attaquer sérieusement à la réduction de la dette et des déficits publics, la priorité des priorités c’est de rééquilibrer notre balance commerciale. Les choix politique en Europe, c’est de faire un ajustement par le bas. On lance des grands plans de rigueur. La demande intérieure est alors sacrifiée, cela fait chuter les importations et permet de réduire le déficit extérieur. Mais on ne résout rien aux problèmes de fond concernant l’offre…voire on les aggrave. C’est ce qui se passe dans tous les pays du Sud de l’Europe. Pas seulement en Grèce qui vit sa 6ème année de récession, mais aussi en Espagne et même en Italie ou la production industrielle est en chute libre : elle a ainsi encore baissé de plus de 5% sur les 12 derniers mois. Alors, la politique alternative c’est quoi ? Et bien c’est de se donner plus de temps pour réduire la dette publique, et de donner la priorité à une stratégie de longue haleine pour redynamiser l'appareil productif et sa compétitivité. C’est de donner à nos entreprises les moyens d’être plus offensives à l’extérieur et de reconquérir des parts de marché sur le territoire. A observer la situation européenne, nous avons désormais sous nos yeux la preuve empirique qu’à défaut d’une vraie stratégie de l’offre, le cercle vicieux de l’austérité aveugle ne résout strictement rien. Réduire le déficit public n’est pas la bonne priorité si cela interdit de nous donner les moyens décisifs pour faire rebondir nos entreprises.
Alexandre Mirlicourtois, Le déficit public n’est pas la bonne priorité, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 03 juin 2013 . 4 min. 13
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