La France pavillonnaire est dans une impasse. Celle des lotissements situés en couronnes périurbaines qui se sont massivement développés depuis la fin des années 60. La comparaison des taux de croissance de la population de 12 métropoles sur longue période donne le contexte : celui d’une progression nettement plus rapide du périurbain avec le quasi-doublement du nombre de ses habitants, contre une hausse de 52% pour la banlieue et un léger dépeuplement du centre. Ces évolutions se retrouvent dans la première aire métropolitaine française avec en son centre Paris — dont la population décroit plus fortement que la moyenne — et un périurbain en forte croissance.
Le périurbain, un choix économique
Compte tenu de ces évolutions, 1 Français sur 4 vit désormais dans un espace périurbain. Et ce périurbain c’est à 90% de l’habitat individuel dont la moitié est organisé en lotissements. Ce développement rapide est à la croisée de trois tendances fortes : 1) L’aspiration toujours très grande chez les Français à devenir propriétaire, surtout d’un pavillon loin des grands ensembles. Un rêve pavillonnaire fortement encouragé par les pouvoir publics. 2) Un système d’aide à l’acquisition axé sur le neuf. 3) Un prix du foncier prohibitif près des centres pour les classes modestes et populaires qui les a contraints à l’éloignement. Le périurbain c’est donc avant tout un choix économique.
Des zones d’emplois éloignés
Et il y a là un premier écueil. En accédant à la propriété, ces ménages s’éloignent des zones d’emplois qui se concentrent dans les pôles urbains. De fait, la grande majorité ne travaille pas dans sa commune de résidence et est contrainte à des déplacements plus longs que la moyenne des Français : 70% des salariés en France utilisent principalement leur voiture pour aller travailler, c’est évidemment beaucoup plus dans les couronnes périurbaines fautes d’alternatives, l’offre de transports en commun n’existant pas car trop coûteuse compte tenue de l’essaimage de l’habitat. L’exemple de l’aire urbaine de Paris est à ce titre édifiante : moins de 11% des parisiens prennent leur véhicules pour aller travailler, tandis que 70% privilégient les transports en commun. En banlieue, la répartition entre les deux principaux modes de déplacements est équivalente. Dans la couronne de l’aire urbaine de Paris, l’automobile est et de loin le principal mode de déplacement pour se rendre au travail. S’il s’agit d’un cas extrême, les mêmes tendances se retrouvent en province. Dans les aires urbaines de plus de 400 000 habitants, la place de l’automobile est écrasante en couronne à plus de 86%.
Tout cela a bien entendu un coût. À la fois sanitaire, lié à la fatigue accumulée due au transport, et financier. Entre le coût de la mobilité et de la garde des enfants, nombre de familles sont contraintes de sacrifier l’emploi le moins rémunéré du ménage : il s’agit, selon les travaux de la sociologue Anne Lambert, le plus souvent celui des femmes peu qualifiées, employées dans le tertiaire. De fait, elles se retrouvent renvoyées à l’espace domestique sans autonomie financière et aux prix d’un fort isolement. C’est un fait, il y a beaucoup de femmes dans les « gilets jaunes ».
Les prix de l’immobilier baissent en périphérie
Aux manques de transports en commun s’ajoutent aussi les difficiles conditions d’accès aux services au sens large (médicaux, culturels, écoles, commerces, services administratifs) qui sont également une histoire de densité. Une fois de plus l’automobile est l’outil indispensable pour y accéder et la multi-motorisation une quasi-obligation. Dès lors, quelques centimes d’euros de plus dans le poste carburant et tout l’équilibre budgétaire est mis en tension et placent des familles en situation de grande vulnérabilité.
Il faut enfin prendre en compte les prix de l’immobilier. Ils progressent dans le centres des métropoles mais pas en périphérie où ils baissent parfois. Pour les ménages endettés, le piège se referme et ils sont assignés à résidence. Le lotissement c’est la non-ville, de l’essaimage pavillonnaire ou des barres d’immeubles à l’horizontal, l’éloignement du centre urbain en plus et le lien social en moins. In fine, à l’échec urbain des grands ensembles répond celui des lotissements, tout aussi néfaste.
Publié le mercredi 05 juin 2019 . 4 min. 22
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