Pour les entreprises la confiance est de retour. Symptôme le plus significatif, les trésoreries sont redevenues confortables, très confortables. D'abord celle des grands groupes, comme vous pouvez le voir sur ce graphique, jamais, ou presque, les gestionnaires des grandes entreprises ont jugé leur trésorerie aussi aisée qu'en février dernier. Mais, ce mouvement ne se limite pas aux grands groupes du CAC 40. Il est en fait beaucoup plus vaste. De la construction, ou de la distribution en passant par les services, c'est une vraie lame de fond. A la question : « votre entreprise éprouve-t-elle des difficultés de trésorerie », 89% des industriels répondent « NON ». Les stigmates de la crise semblent donc déjà effacés. Notre indicateur de défaillance, Xerfi-Risk, ne montre d?ailleurs pas autre chose : le risque de défaillance s'est nettement réduit depuis 9 mois et il est en passe de retrouver sa moyenne de long terme. Ce qui est le plus surprenant, c'est la vitesse à laquelle l'état de santé des entreprises s'est amélioré. La mise en action de stratégies défensives a de fait parfaitement fonctionné. La flexibilisation obtenue à grands renforts de CDD, de variabilisation des rémunérations, de sous-traitance depuis 15 ans a donné aux chefs d'entreprise les outils indispensables pour ajuster très rapidement leurs structure de coûts, beaucoup plus rapidement qu'en 1993, lors de la dernière grande crise. L'illustration la plus évidente de cette plus grande flexibilisation se lit dans l'évolution du poids de l'intérim dans l'emploi total. Parti d'un niveau très bas au début des années 90, l'emploi intérimaire concernait alors moins de 2% des salariés, l'interim n'a cessé de se renforcer pour représenter près de 5% de l'emploi total. Ce sont sur ces nouvelles marges de man?uvre que se sont réalisés les principaux ajustements durant la récession. De même, en déstockant massivement et en n'engageant aucune dépense lourde, les sociétés ont mécaniquement limité leurs décaissements. Baisse du BFR, gel des investissements, il n'est pas étonnant que les finances des entreprises se soient rapidement restaurées après un exercice 2009 terrible. L'amélioration du côté des finances, se double d'une perception de l'activité future beaucoup plus positive. Là aussi, le mouvement est très ample. Dans les services, la confiance des chefs d'entreprise se renforce mois après mois : depuis mars 2009, l'indicateur du climat des affaires a gagné 35 points et est revenu à son niveau d'avant crise. Le mouvement est identique dans l'industrie. Mieux ! L'optimisme affiché concerne l'ensemble de l'économie française puisque les perspectives générales de production accélèrent fortement. Elles sont à 19 points, c'est 27 de plus que la moyenne de long terme. A y regarder de plus près cela ressemble presque à une vague d?euphorie, puisqu'un tel niveau n'avait quasiment jamais été constaté depuis la fin 2000, année au cours de laquelle la croissance du PIB avait atteint 4,1%. Les informations en provenance du bâtiment, du commerce témoignent aussi du même regain de confiance. La confiance est revenue, certes, mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et cela ne signifie pas de façon mécanique l'entrée de notre économie dans une nouvelle ère de croissance forte. L'analyse de l'activité réelle donne à cet égard un nouvel éclairage. En fin d'année, la production industrielle demeurait encore inférieure de 11,5% à son pic de février 2008. Pis encore. Le niveau de production fin 2010 était équivalent à celui du début de 1997. C'est 14 ans de perdu ! Dans le bâtiment, la construction neuve demeure scotchée à bas niveau et aucune amélioration sensible n'est perceptible dans les services aux ménages. Pourquoi alors un tel écart entre d'un coté indicateurs de confiance et de l'autre indices d'activité ? Il y a d'abord un effet rebond, rattrapage oblige. La stabilisation puis le regain de l'activité ont ainsi été vécus comme un « OUF de soulagement », après une récession sans précédent depuis la Seconde Guerre Mondiale. N'oublions pas non plus que la crise a fait des dégâts considérables dans notre tissu d'entreprises : 52 500 sociétés environ ont été jugées défaillantes en moyenne en 2009 et en 2010. C'est près de 20% de plus par rapport aux niveaux enregistrés entre 2005 et 2008. Pas étonnant que les survivants soient euphoriques et profitent de la défaillance des autres. D'où un sentiment de confiance individuelle alors que la situation d'ensemble, celle du pays, reste encore très dégradée. Gel des salaires, report des projets d'investissement et blocage des embauches, sont des réponses ponctuelles face à un choc. Leur inscription dans la durée conduit irrémédiablement à sacrifier l'avenir. Macro économiquement, cela conduit le pays vers une impasse, c'est-à-dire un équilibre de sous-emploi, donc un chômage de masse. Après s'être stabilisé, le nombre de sans emploi est de nouveau en hausse début 2011. Fin janvier, en France métropolitaine, plus de 4,6 millions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi, un chiffre en hausse de 5,3% sur un an avec des conséquences en cascade . Pas facile de négocier des hausses de salaires quand la menace est forte de perdre son propre emploi. Naturellement, les rémunérations ne bougent pas ou peu alors même que l'inflation a redémarré : fin 2010, la progression des salaires mesurée par le salaire mensuel de base était de 1,7% contre 1,8% pour les prix. La différence est certes marginale mais elle traduit un phénomène majeur : le pouvoir d'achat des salariés diminue désormais en France. De surcroît, la crainte du chômage a un effet paralysant et modifie les arbitrages des ménages : 1 euro économisé est 1 euro épargné au cas où. Au moment où l'Etat débranche les perfusions les unes après les autres il n'y a plus de doutes : la consommation va lâcher, rapidement. On ne peut alors être que très inquiet. Notre modèle de croissance repose en effet sur la force des dépenses des ménages. Des dépenses des ménages qui, d'abord, représentent 60% du PIB. Des dépenses des ménages qui, ensuite, ont contribué en moyenne à près de 80% à la formation du PIB sur les dix dernières années. Des dépenses des ménages, enfin, qui n'ont reculé qu'une seule fois en 30 ans, en 1993. Or, faute de modèle économique alternatif, notre croissance repose encore essentiellement sur cette demande des ménages. A court terme, compte tenu de l'environnement économique et financier des Français, cela ne peut conduire que vers une croissance léthargique en 2011 comme en 2012. Depuis 25 ans, la politique fiscale a favorisé les ménages au détriment des entreprises. Le débat actuel autour de la fiscalité révèle que les questions se multiplient autour de notre modèle économique. En tout état de cause, les choix stratégiques de la France sont ILLISIBLES.
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d'Alexandre Mirlicourtois
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