En marge des pays européens, la France n’est pas à l’abri d’un fort rebond du chômage. Il faut se pencher sur les deux éléments constitutifs de l’équation de départ avec d’un côté les créations nettes d’emplois auxquelles fait face la population active. Cette dernière dépend de la dynamique démographique, de l’âge moyen d’entrée et de sortie de la vie active et enfin des comportements d’activité. Deux de ces points vont pénaliser la France à court terme.
L’impact des réformes sur la population active
Démographiquement, la trajectoire prise par la population française en âge de travailler est nettement supérieure à celle des autres pays européens. Il faudra donc générer plus d’emplois en France qu’ailleurs pour coller aux variations spontanées de la main d’œuvre. Ce handicap va se retrouver décuplé par les conséquences de la réforme des retraites.
Pour mémoire, elle fait reculer progressivement l'âge légal d'ouverture des droits de 62 ans à 64 ans d’ici 2030, soit au rythme d’un trimestre en moyenne par an. Autre mesure, la durée de cotisation pour obtenir un taux plein passera de 42 à 43 ans d'ici 2027. Ces deux changements auront un effet mécanique sur la population active. Au-delà même du fait que les actifs sortiront plus tard de leur vie professionnelle, l’effet « horizon » doit aussi être intégré. Autrement dit, le fait qu’à l’approche de l’âge de la retraite les personnes concernées modifient leur comportement d’activité et que les entreprises infléchissent leurs stratégies de recrutement ou de licenciement. Bref, les incitations à rechercher un emploi ou à recruter diminuent à l’approche du seuil. Concrètement, cela se manifeste par un taux d’activité structurellement plus faible chez les seniors, la chute allant crescendo plus la date butoir se rapproche.
Reculer l’horizon de la fin de vie active retarde ces modifications de comportements, accroît le taux d’activité des actifs âgés. Conséquence de ces transformations, la main d’œuvre mobilisable française va fortement progresser. C’est à rebours de ce qui était annoncé. La France se retrouve ainsi dans une position singulière, avec sa dynamique démographique et les conséquences d’une réforme des retraites plus tardives que dans la majorité des pays européens qui l’ont digérée.
Plus de croissance pour générer de l’emploi
Côté emploi, le décrochage français devrait être aussi plus violent car la chute de la productivité, qui a temporairement défait le lien entre croissance et emploi, y a été plus sévère. Les causes de la baisse de la productivité en France sont complexes, multifactorielles, mais c’est une évidence que la force du « quoi qu’il en coûte » a stoppé net les défaillances d’entreprises sous-productives et les emplois liés. La baisse du soutien public, les remboursements du PGE ont déjà inversé la tendance et les défauts se multiplient, collant déjà à leur niveau prépandémie : environ 200 000 emplois sont d’ores et déjà menacés alors que la purge n’est pas achevée. Remontée de la durée du temps de travail, normalisation du taux d’absentéisme devraient également participer à faire remonter la productivité. Il faudra donc beaucoup plus de croissance pour générer de l’emploi ces prochains trimestres que ces deux dernières années alors que l’activité mollit.
À cela s’ajoute le repli des emplois aidés et l’enfoncement de la filière bâtiment grande pourvoyeuse d’emplois directs et indirects. Sa descente aux enfers est plus marquée dans l’Hexagone qu’en Europe. Résultat, alors que le taux de chômage en 2024 devrait se maintenir en zone euro à son niveau de 2023, il pourrait refranchir en France la barre des 8% avant la fin d’année. Mais il suffirait que le taux d’activité des seniors soit plus fort que prévu, que l’écrémage des entreprises amplifie le redressement de la productivité et c’est alors la barre des 9% qui se rapprocherait très vite. Le retour du plein emploi d’ici 2027 semble hors d’atteinte. Le chômage en France n’est pas vaincu.
Publié le mardi 28 novembre 2023 . 0 min. 03
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