Les risques d’un Brexit dur ont considérablement augmenté, même si un compromis de dernière minute est toujours possible vu les conséquences politiques, économiques et sociales qu’aurait un non-accord en plus de la crise de la Covid-19 de l’Autre côté de la Manche. Il faut dire que parmi les grandes économies européennes, l’économie britannique est la plus durement impactée par les conséquences de la pandémie avec au 3ème trimestre un niveau de PIB inférieur de près de 10% à celui de la fin 2019. Seule l’Espagne connaît en Europe un décrochage du même ordre. En outre, la dynamique de croissance a commencé à flancher durant l’été et le mois de septembre s’est terminé sur une quasi-stagnation du PIB alors que la fin d’année s’annonce mauvaise en raison du reconfinement.
Une comparaison avec la crise financière de 2008-2009 donne une illustration de la profondeur de la crise. Malgré le rebond du PIB au 3ème trimestre, son niveau reste inférieur de 2% environ au creux atteint lors de la crise de 2008 – 2009.
Dans un pays, où le marché du travail réagit au moindre soubresaut de la conjoncture, les destructions d’emplois ont été en partie contenues par les mesures de soutiens mais les digues commencent à céder sous la violence du choc. 566 000 ont été détruit de février à août. Mais le mouvement semble s’emballer depuis l’été. Les licenciements ont ainsi brutalement accéléré en août dernier pour atteindre le niveau record de 314 000, effaçant l’ancien pic historique de mars 2009.
Le coup est rude sur les revenus d’autant plus qu’il faut y ajouter la baisse de la rémunération des indépendants, très nombreux au Royaume-Uni, malgré l’allocation attribuée pour amortir le choc, sans même parler du million de personnes en contrat-zéro heures, dont le revenu s’évapore, tout en restant officiellement en emploi. A la mi-2020, le revenu disponible des ménages avait ainsi décroché de 6% par rapport à la fin 2019, contre 2,4% en moyenne pour la zone euro. L’impact de cette baisse est d’autant plus rude sur les dépenses des ménages que les Britanniques font partie des plus endettés d’Europe. A plus de 126% de leur revenu, cela les places bien au-dessus de la majorité des pays européens. En cause, l’immobilier mais pas seulement. Les ménages britanniques ont eu un recours massif aux crédits à la consommation pour financer leurs achats et risquent bien de se trouver étranglés.
Les Britanniques sont donc au régime sec : conséquence la consommation, moteur traditionnel de l’économie anglaise, est totalement grippé : les dépenses des ménages étaient ainsi inférieures au 3ème trimestre de près de 13% à leur niveau de la fin 2019, contre à peine plus de 2% en France par exemple. Ce n’est évidemment pas sans conséquences sur la distribution, une distribution en pleine déconfiture : Marks & Spencer a annoncé son intention de fermer un établissement sur deux d’ici 2022, la chaîne de grands magasins House of Fraser va réduire son parc de 59 à 28 unités, le géant Intu propriétaire de 17 centres commerciaux a déposé le bilan, les exemples se multiplient.
La crise exacerbe aussi certaines faiblesses structurelles du pays, notamment certains de ses déséquilibres. D’abord de ses comptes extérieurs. La balance courante est copieusement déficitaire en raison du gouffre structurel de la balance des biens (encore près de 6% du PIB en 2019). Et l’on peut être inquiet pour la suite car les deux principales branches exportatrices, l’automobile (qui concentre 10% des exports) et l’aéronautique (8%) sont aussi les plus durement impactés par la crise. Le confortable excédent des services (dont les deux tiers sont imputables aux services financiers et d’assurance) rééquilibre un peu l’ensemble, un ensemble pénalisé toutefois par le déficit de la balance des revenus liés au rapatriement des revenus des colossaux investissements étrangers réalisés dans le pays et par le déficit des transferts.
Pour se financer le Royaume-Uni dispose néanmoins d’un atout majeur : la City. Place financière incontournable, c’est un véritable aimant aux investissements étrangers de portefeuille. Et si la place londonienne règne encore sans partage en Europe, un hard Brexit pourrait bien fragiliser cette voie de financement indispensable. De même, les mesures d’urgences prises, pour près de 10% du PIB, ont creusé le déficit public et fait déraper la dette. Certes, c’est le cas de nombreux pays de la zone euro, à cette différence près que les risques de dérapage des taux en France, en Italie ou en Espagne sont plus faibles grâce au bouclier de l’euromark. Et si les taux souverains sont bas, le spread entre le Bund allemand à 10 ans et le Gilt britannique commence à se tendre depuis l’été. Un hard Brexit ne pourrait qu’accentuer la tendance.
Après une année 2020 catastrophique, l’économie britannique pourrait de nouveau trébucher en 2021 en cas d’un Brexit sans accords et remettre au goût du jour l’expression « tomber de Charybdes en Scylla ».
Publié le mardi 24 novembre 2020 . 4 min. 57
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