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Prise sous trois feux, la filière viticole (vin, champagne, spiritueux) ressort fragilisée d’une année noire. Il y a d’abord le double impact de la crise de la Covid-19 qui fait chuter le marché intérieur et s’effondrer les marchés extérieurs avec, pour couronner le tout, les conséquences de l’instauration de taxes douanières punitives par les États-Unis, premier marché à l’export de la profession.


Un commerce extérieur en berne… et cela ne va pas s’arranger


Parfaits révélateurs de cette mauvaise passe, les chiffres en berne du commerce extérieur. Toutes les grandes familles de produits sont concernées.


Première victime, le champagne avec une chute de 20,5% des expéditions en valeur en 2020. Boisson festive par excellence, le champagne a beaucoup perdu de la mise entre parenthèses, des cérémonies familiales (mariages, baptêmes, anniversaires…), mais aussi des cérémonies officielles et plus globalement de l’événementiel un peu partout dans le monde.
Le décrochage est également sévère pour les spiritueux (-19,4%) et un peu moins rude (-7,1%) pour les vins tranquilles, c’est-à-dire non effervescents. Parmi les trois principaux vignobles exportateurs d’AOC, le haut de gamme de la production française, le Bordelais (-13,9%) est le plus durement touché. Le choc est également fort (-6,7%) pour les producteurs de la vallée du Rhône, mais en revanche beaucoup plus réduit pour la Bourgogne grâce au boum des exportations vers le Royaume-Uni. Mais il s’agit d’un effet de pur stockage, les importateurs ayant préféré acheter avant la conclusion d’un accord, de peur d’une réglementation plus contraignante. Un contre-choc est donc probable cette année.


Outre les conséquences de la crise de la Covid-19 sur les exportations, 2020 a été marquée par les répercussions en année pleine de la mise en place le 18 octobre 2019 de taxes douanières supplémentaires de 25% sur la quasi-totalité des vins tranquilles par l’administration Trump. Un dégât collatéral dans le bas de fer qui oppose les autorités américaines à l’Union européenne sur le dossier de l’aéronautique. Un coup fatal aussi. Ainsi, sur environ un total de 2 milliards d’euros d’exportations évaporées l’année dernière, près de 700 millions, soit 35%, s’expliquent par la seule déroute du marché américain. Et cela ne vas pas aller en s’arrangeant, la liste des produits taxés ayant été élargie le 12 janvier dernier à la totalité des vins tranquilles et aux spiritueux à base de vin comme le cognac.


Le marché domestique se dérobe


Ballottée à l’extérieur, la filière viticole a vu également se dérober son marché domestique. Une simple répartition des circuits d’achat des vins tranquilles permet de bien appréhender la situation : sur 10 bouteilles consommées en France, 5 sont achetées en grande distribution, 3 au restaurant, 1 est vendue au domaine viticole et enfin 1 autre par un caviste ou en ligne. En d’autres termes, entre une année blanche ou presque pour la restauration et le recul de l’œnotourisme avec la fermeture des frontières et ses conséquences sur les ventes à la propriété, 40% des circuits de distribution ont été totalement ou partiellement paralysés et le restent encore en partie. Et il n’y a pas eu ou très peu d’effets reports : les ventes de vins tranquilles sont restées quasiment stables en grande surface (+1,3% en valeur), quant au boum des ventes en ligne cela concerne des volumes trop faibles pour pouvoir inverser la tendance. Les ventes de champagne ont pour leur part chuté de 20% en volume sur le territoire.


Et c’est la double peine pour les producteurs. Non seulement leur chiffre d’affaires recule, mais ils se retrouvent avec un surplus de stocks à financer : les vendanges ont été bonnes en 2020, la production s’est approchée des 4,7 milliards de litres de vin produits, c’est au-dessus de la moyenne des 10 dernières années.


Même le champagne a des concurrents étrangers


C’est d’autant plus dommageable que la filière viticole française fait face à deux immenses défis :


- À l’intérieur, enrayer la baisse de la consommation : la consommation annuelle de vins courants comme les vins de table a été divisée par 7 depuis les années 60, passant de quasiment 116 litres par personne à 17 en 2018. La perte de chiffre d’affaires a été un temps compensé par la montée en gamme, les Français buvant moins, mais mieux. Mais le segment des vins de qualité recule lui aussi depuis près de 20 ans. La trajectoire de la consommation de champagne est similaire, même si le reflux est plus récent et date de 2010, année où est consommée 5 litres de champagne par personne, soit quasiment 7 bouteilles. La consommation de spiritueux est plus instable, mais baisse aussi depuis le début des années 2000.


- La solution de l’export pour compenser l’affaiblissement du marché intérieur a été un pari gagnant, mais un autre défi est à relever, celui de la concurrence étrangère, même pour le champagne. La France (grâce à la forte valorisation de sa production) représente près de 53% des exportations de vin effervescent, c’est beaucoup, mais c’est près de 17 points de moins qu’en 2003.


La filière française viticole n’est certainement pas en péril, mais une chose est sûre, c’est la fin de l’âge d’or.


Publié le mardi 23 février 2021 . 4 min. 32

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