Xerfi Canal présente l'analyse Damien Festor, directeur de Xerfi France
Je vais commencer par une bonne nouvelle : le nombre de défaillances de nos PME va baisser en 2014. C'est ce qui ressort de notre indicateur agrégé Xerfi Risk, qui s'établira à 67 au cours de l'année prochaine. Mais c'est la seule bonne nouvelle car on restera très loin des niveaux enregistrés avant la crise.
L'actualité ne cesse d'ailleurs de mettre le projecteur sur les défaillances de grosses PME et ETI : les magasins Virgin, Surcouf, Petroplus, ou encore le volailler Doux?. Mais on pourrait aussi parler des difficultés moins connues mais tout aussi réelles de Dane-Elec dans l'électronique, de Fraisnor dans l'agroalimentaire, de Forège dans le meuble ou de Virtuose dans le textile.
Si la vision d'ensemble de ces défaillances est sombre, il faut tout de même noter la diversité des situations selon les secteurs. C'est d'ailleurs la spécificité de Xerfi Risk qui établit le risque dans 150 secteurs de l'économie française, avec des mises à jour trimestrielles. Je précise pour ceux qui ne connaissent pas cet indicateur, qu'il combine l'expertise sectorielle des analystes de Xerfi et des algorithmes de calculs statistiques et financiers que nous avons développés.
Il m'est impossible ici d'être exhaustif, et je voudrais seulement attirer votre attention sur quelques secteurs qui illustrent bien la diversité des situations et l'étendue de notre outil d'analyse du risque sectoriel. Le premier exemple, c'est celui des librairies, où le risque de défaut augmente dangereusement pour des raisons structurelles. Tout comme l'ensemble du commerce, la distribution de livres connaît en effet de profonds bouleversements avec l'inexorable montée en puissance de la technologie et des contenus numériques, mais aussi avec l'émergence de l'e-commerce avec notamment Amazon.
Quant au second exemple, sa situation est davantage liée à la conjoncture : il s'agit des équipementiers automobiles. Les défaillances de ce secteur diminueront en 2014, en raison d'une reprise de la production automobile, et cet exemple illustre bien la sensibilité de certains secteurs aux cycles économiques et les effets d'enchainement dans les filières.
Xerfi Risk permet également d'identifier les secteurs les moins risqués. Et on s'aperçoit qu'il s'agit - à part quelques rares exceptions - de secteurs qui profitent de rentes de situation: les laboratoires d'analyse médicale, les activités juridiques, ou encore l'hébergement médico-social.
Mais comme je vous l'ai dit, les défaillances resteront dans l'ensemble à un niveau élevé en 2014 et ce malgré la reprise économique et l'impact positif attendu du CICE.
La première explication tient à la faiblesse du taux de marge des entreprises françaises. C'est l'un des plus bas d'Europe en moyenne, et le plus bas des grands pays européens !
Ce faible taux de marge est lié au positionnement des produits français trop souvent tournés vers le moyen de gamme. La faute à la culture française aussi. L'analyse confirme que nos grands groupes ont tendance à capter de la marge en imposant des baisses de prix à leurs fournisseurs. Nos PME sont d'ailleurs particulièrement sensibles à la concurrence par les coûts et aux fluctuations de l'euro. Ne disposant pas d'un pouvoir de marché qui leur permettrait d'imposer leur prix, elles sacrifient leurs marges. Et des marges sacrifiées, c'est moins d'emplois, moins d'innovations, moins d'investissements et donc moins de croissance future !
Après le faible taux de marge, la deuxième explication est conjoncturelle. Elle concerne les délais des paiements. Le rallongement de ces délais dans la crise a détérioré la trésorerie des entreprises, avec des effets en cascade sur les fournisseurs. Et les difficultés d'accès au crédit à court terme n'ont bien entendu rien arrangé à la situation, au contraire?
La troisième raison est d'ordre structurel : les entreprises françaises manquent de fonds propres. L'appétence des patrons de PME françaises pour la constitution d'un patrimoine immobilier, constitue une parfaite illustration de cette dérive qui handicape souvent notre tissu d'entreprises. Deux fois plus de PME françaises que de PME américaines possèdent leurs locaux. Cette appétence nationale pour l'immobilier est bien entendu en contradiction avec le renforcement de l'investissement productif.
Au moment ou se dessine une reprise par l'offre, la vulnérabilité de notre tissu d'entreprises reste élevée. D'autant plus vulnérable que les stratégies axées sur la baisse des coûts, la réduction de l'investissement et le gel des projets a réduit les capacités d'offensive à l'heure de la reprise. Je voudrais néanmoins conclure sur une note positive : toutes les entreprises n'ont pas eu ce comportement. Je pense notamment à ces « family business », ces entreprises à capitaux familiaux qui ont davantage résisté à la crise grâce à une plus grande réactivité, une plus grande agilité, et surtout une vision de long terme, c'est-à-dire une politique d'investissement et de projets qui s'inscrivent dans la durée, loin du dictat de la seule rentabilité à court terme. C'est sans doute dans la reconstitution d'un capitalisme entrepreneurial familial que se situe l'une des sources du rebond français.
Damien Festor, PME/ETI : les prévisions de défaillances sectorielles en 2014, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mercredi 06 novembre 2013 . 5 min. 01
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