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Peut-on croire les données statistiques ?

Publié le mercredi 10 avril 2024 . 5 min. 30

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L’idée que la comptabilité nationale soit un espace d’exactitude, d’objectivation impartiale de la réalité économique, fait perdre de vue sa dimension normative et le rôle central de l’institution dans la configuration des croyances et la reproduction du système. Il ne s’agit pas ici de suspecter les comptables nationaux de manipulation des esprits. Partout, la statistique publique est un monopole de l’État et, du coup, le soupçon vient vite. Régulièrement, est mise en doute la véracité des données chinoises, russes sans parler du cas grec des années 2000. Régulièrement, resurgit aussi l’idée que l’inflation ou que le chômage seraient sciemment sous-estimés. Mais dans la plupart des pays avancés, les garde-fous légaux garantissent l’indépendance et la probité de l’institution. Et ce n’est pas à cette dimension, d’assujettissement aux intérêts d’État, qui est au cœur de notre propos. Mais bien plus, le fait que tout statisticien, aussi intègre soit-il, demeure l’exécutant d’un protocole et d’un cadre conceptuel prédéfini qui est une construction humaine, subjective.


La croissance comme standard implicite de la comptabilité nationale


Ce cadre est traversé de choix, de règles qui pourraient être autres et qui ont été forgés en adéquation avec les besoins d’action d’un moment et pour s’articuler à un cadre conceptuel lui-même reflet d’une époque. Si les prémisses de la comptabilité remontent à l’ancien régime, l’essor de la comptabilité nationale moderne, dans sa complétude, son industrialisation du chiffre, avec sa standardisation internationale, date de l’après-guerre. En France, après une première impulsion sous Pétain, elle prend son essor dans les années 60, irriguée par le traumatisme des erreurs de pilotage de la crise de 29, par la prégnance du corpus keynésien, le primat de l’industrie et de l’enjeu du rattrapage, et l’idée de planification. Elle conserve dans son ADN les arbitrages méthodologiques de cette époque dédiée à la croissance. En faisant notamment du PIB la variable cardinale de la puissance, la comptabilité nationale participe malgré elle à l’évangélisation des esprits à l’idée que le plus est forcément synonyme du mieux. Mais au-delà, c’est tout l’édifice comptable qui véhicule des implicites idéologiques qui charpentent notre pensée de façon invisible et non intentionnelle. De multiples écrits rendent compte de l’enracinement historique de la comptabilité nationale, faisant ressortir en creux le rôle essentiel que joue l’institution dans la configuration de l’action et l’enracinement des croyances qui stabilisent le système. Or l’organisme statistique, comme toute institution, cherche à conforter ses méthodes, sa pérennité ; l’impératif de cohérence temporelle, de continuité prévalant sur celui de la pertinence dans un monde changeant.


La neutralité du chiffre n’existe pas


Il ne s’agit pas ici d’aborder tous les conditionnements et les biais induits, mais d’être conscient de l’incomplétude qui en découle. La comptabilité produit un effet lampadaire, c’est-à-dire qu’elle attire le regard et la recherche sur ce que le système comptable donne à montrer, occultant le reste. Pour reprendre la boutade de Coluche : « Les statistiques, c’est comme le bikini, ça donne des idées, mais ça cache l’essentiel. » Pour ne prendre que deux grands exemples édifiants : la comptabilité a fait le choix d’occulter l’essentiel de l’auto-production individuelle. Or le système capitaliste ne cesse d’équiper les ménages de biens d’équipement, d’ordinateurs, de matériel, de robots qui sont considérés comme des biens de consommation détruits dans l’année alors qu’ils s’amortissent dans la durée et sont à l’origine d’une production ou co-production de services non identifiés dans la mesure du bien-être. Avec l’explosion du digital qui renforce la polyvalence productive des individus et épaissit leur auto-production, c’est toute une dimension qui est voilée. Seul est identifié le flux fictif du service que les ménages se rendent à eux-mêmes en tant que propriétaires de leur logement. La valeur de ce service croît avec celle des loyers alors que le propriétaire bénéficie d’un service inchangé, dont il n’est pas ou peu conscient. Second exemple, bien connu, la non prise en compte de la destruction du capital, matériel, immatériel, social ou naturel dans la mesure du PIB. À l’heure du défi climatique, cette convention conforte les décideurs dans leur comportement d’autruche et participe à la déconnexion ressentie entre PIB et bien-être. Involontairement, la convention comptable se met au service de la préservation des intérêts du monde d’avant.


Il s’agit d’être conscient aussi de la puissance du chiffre. Ce qu’Alain Supiot dans un de ses cours au Collège de France désigne comme la gouvernance par les nombres, au détriment de la délibération démocratique et au risque d’un asservissement du droit à la loi des nombres. La neutralité du chiffre n’existe pas. Et sans conscience du pouvoir de l’institution comptable, le risque est de figer les représentations et d’alimenter un conservatisme de plus en plus préjudiciable à la stabilité du système.


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