Faut-il une consolidation bancaire en Europe, autrement dit, doit-on favoriser la naissance de banques géantes pan-européennes ? La question est posée à la fois par certains patrons d’établissements financiers et par la BCE, responsable de la régulation. Tous relèvent qu’à la différence de la situation américaine, aucune banque n’a atteint une véritable taille critique sur l’ensemble de la zone euro. Alors que la part de marché des 10 premières banques américaines a grimpé de 40 à 63% depuis la crise, les cinq premiers établissements du vieux continent ne détiendraient au total que 20% du marché.
Les arguments en faveur de la consolidation
Les partisans de la consolidation avancent quatre principaux arguments en faveur des rapprochements bancaires. Un, avec de très grosses banques, la stabilité financière serait améliorée en Europe, on mettrait fin aux petits établissements perclus de créances douteuses. Deux, toujours d’un point de vue macro-économique, on faciliterait la diffusion de la politique monétaire et la constitution d’une véritable union financière. Les banques adopteraient enfin une vision véritablement européenne, alors que les transferts financiers entre pays ont considérablement diminué depuis la crise. Troisième argument, les économies d’échelle seraient importantes, permettant aux banques de s’adapter plus facilement à la digitalisation et de diminuer leurs tarifs. Enfin, les partisans de la consolidation mettent en avant un enjeu de souveraineté. Ils disent s’inquiéter de la puissance des banques américaines. Il est vrai que leurs homologues européennes en sont dépendantes. On l’a vu en 2011 quand les établissements américains se sont retirés des circuits de financement des banques européennes, mettant celles-ci en difficulté. En outre, les Américains pourraient faire main basse sur le secteur de la banque de financement et d’investissement, beaucoup plus rentable que celui de la banque de détail. Sans parler de l’hypothèse d’une alliance entre banques américaines et Gafa pour attaquer la finance européenne. C’est ce qui finira par arriver si on ne fait rien pour faire grossir nos banques, affirment les partisans des fusions.
Le risque systémique des rapprochements
Leurs thèses ne font toutefois pas l’unanimité.
D’abord, il faut souligner que l’absence de grande fusion n’empêche pas la consolidation progressive du secteur bancaire. Le nombre d’institutions de crédit ne cesse de diminuer. Il est passé de près de 3.000 en 2008 à 2.200 aujourd’hui. Ensuite, rapprocher des banques n’est pas si simple. Ainsi, l’opération de fusion souvent évoquée entre la Société Générale et l’italien Unicredit, deux banques qui ont chacune leurs problématiques, les détournerait d’enjeux essentiels, comme l’adaptation au numérique.
Enfin, sur le fond, des économistes, comme Jezabel Coupey Soubeyran, relèvent une lourde erreur d’analyse. Pour arriver à sa conclusion d’une faible concentration du marché, la BCE s’appuie sur des données bancaires non consolidées. Autrement dit, le poids réel des grandes banques de la zone euro, comme BNP Paribas est largement sous-estimé. Il serait assez proche, en réalité des niveaux américains. Créer des géants de la banque européenne paraît donc d’autant moins urgent que cela ferait courir des risques à l’ensemble du système, en cas de crise. La BCE serait alors bien en peine de gérer la faillite d’un monstre financier. Une fois de plus, le contribuable devrait venir à la rescousse.
Dernier argument contre la création de colosses bancaires : on renforcerait leur tendance oligopolistique, au détriment des clients. Ce n’est pas une baisse des tarifs qui serait d’être alors constatée, mais bien une hausse.
Bref, le débat sur la puissance des banques européennes est loin d’être épuisé.
Publié le mercredi 05 septembre 2018 . 3 min. 39
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