L'Allemagne est championne d'Europe des exportations, cela ne fait pas de doute. Mais derrières ses performances commerciales se cache un système bancaire en bien piteux état ! Pourtant la dernière revue de stabilité financière de la Bundesbank est optimiste. Elle insiste sur le net redressement des comptes et le retour aux profits en 2010 après 25Mds d'euros de pertes entre 2007 et 2009. Les banques voient leur solidité financière s'améliorer avec un ratio de fonds propres Tier 1 proche de 11%. Donc les banques allemandes bénéficient de la force du retour de la croissance de l'économie allemande. Logique ! Mais ce n'est pas si sûr. Les banques vont devoir passer ce mois ci, le stress test européen sur les banques et cela pourrait mal se passer. L'an dernier la finance allemande avait réussi les tests mais l'examen avait été jugé assez facile. Cette fois ci l'examinateur est européen et non plus allemand, ça va devenir plus difficile. En effet les banques allemandes souffrent de la crise. L'Allemagne a du mal à organiser son soutien aux banques et les restructurations se suivent. L'Etat a déjà injecté 50Mds d'euros de capital, repris 300Mds d'euros d'actifs dans des bad bank ('poubelles bancaires'). Toute mise de fonds supplémentaire fait l'objet de débat en Allemagne et en dehors d'Allemagne notamment avec la Commission Européenne. Des voix critiques pointent la faiblesse des dispositifs d'intervention et l'une des deux autorités de surveillance - la BAFin - aurait estimé à 800Mds d'euros les actifs de la crise - les actifs toxiques - logés dans les bilans des banques. En face de ces actifs il y a 200Mds d'euros de capital, 4x moins... cela peut coincer. Deux exemples illustrent bien les difficultés dans lesquelles se débattent les banques allemandes : le drame actuel de West LB et la faillite en 2007 - une des premières de la crise - d'IKB. Le cas de West LB arrive maintenant à son terme. La banque West LB basée à Düsseldorf, a une histoire qui est un bon résumé des problèmes des Landesbank, des banques publiques qui sont détenues par les régions allemandes et leurs caisses d'épargne. Il y en a une dizaine en Allemagne et elles sont spécialisées dans le financement des entreprises. Comme le modèle économique allemand repose sur les exportations, ces banques ont suivi leurs clients et se sont développé à l'international. Ainsi West LB comptait près de 35 implantations dans le monde. En plus elles bénéficiaient d'une garantie intégrale de l'Etat jusqu'en 2005, en gros elles empruntaient aux conditions de l'Etat allemand, qui est ce que l'on fait de mieux sur les marchés. Pour cause d'harmonisation européenne, ce statut est tombé et elles ont du commencer à se débrouiller toutes seules. Du coup, elles ont accentué leur développement international et se sont lancé sur les marchés au milieu des années 2000, mal leur en a pris. West LB est aujourd'hui mal en point, en dépit de 7Mds d'euros d'aides. La Commission Européenne avait de mauvaise grâce accepté fin 2009 un plan de restructuration qui devait permettre à la banque de revenir à meilleure fortune et de rembourser les aides. En contrepartie WestLB devait réduire sa taille et céder des actifs. Ce plan n'a pas été respecté et une nouvelle copie a été rendue le 15 février dernier avec des propositions encore plus sévères. La taille serait réduite de 80% dans le meilleur des cas et si cela ne marche vraiment pas il faudra la vendre en pièces détachées, alors qu'il y a peu c'était un des fleurons de la finance allemande. Ce n'est cependant pas une surprise totale : en 2007 la faillite d'IKB témoignait déjà des défauts de fabrique de la banque allemande. Cette banque peu connue rassemble dans son nom IKB, le I de Industrie, le K de crédit et le B de banque. Son actionnaire de référence d'alors était une société publique, KFW, l'équivalent de la Caisse des Dépôts. Spécialisée dans le crédit aux entreprises allemandes, plutôt les grosses PME, elle ne gagnait pas beaucoup d'argent dans cette activité en dépit d'une part de marché de l'ordre de 15%. Pour améliorer ses performances, elle avait investi massivement dans des actifs attractifs, c'est-à-dire les crédits structurés dans lesquels on trouve les désormais tristement célèbres subprimes. La rentabilité d'IKB se redresse nettement en 2005 et 2006 pour dépasser les 10%. Mais c'est comme si IKB avait utilisé 2 fois son capital. La première pour financer les PME allemandes, pas très rentable, et la seconde fois pour miser en dehors du bilan sur des actifs spéculatifs, assez rentable. C'était juste avant la crise...et les pertes. Après avoir renfloué cette banque, les pouvoirs publics allemands l'ont cédé pour 1 euro symbolique à un fond américain ; tout un symbole ! Le modèle bancaire allemand qui subventionnait les entreprises va devoir évoluer. Si la crise a mis par terre les banques allemandes - avec pas moins de 25Mds d'euros de pertes en 2008 et 2009, c'est qu'elles étaient fragiles avant la crise. Les problèmes ne viennent pas d'une montée de la dette des ménages ou des entreprises, ni d'une gestion particulièrement mauvaise de l'exploitation bancaire, les coûts sont dans la moyenne européenne. Et pourtant, le rendement moyen des fonds propres sur la période de 1999 à 2009 est de moins de 5%, soit le plus mauvais résultat des grands pays européens. Cela s'explique largement par les marges faibles réalisées sur les produits classiques comme la collecte des dépôts et l'octroi de crédits. Selon les calculs de la Banque Centrale, la marge d'intérêt (c'est-à-dire le solde net entre les intérêts reçus sur les crédits et ceux payés sur les dépôts) atteint à peine 1,2% en Allemagne. C'est peu, très peu. Cela veut dire que les clients des banques ne paient pas très chers les services utilisés. Trois raisons à cela : (1) la concurrence entre un grand nombre d'établissements. Avec près de 2000 banques, l'industrie bancaire allemande est très fragmentée. La plus grosse d'entre elles, la Deutsche Bank, ne représente même pas 10% du total. L'Allemagne est le marché bancaire pays le moins concentré d'Europe. La part des 5 premières banques atteint en effet 25% contre 45% à 65%. (2) et l'organisation du secteur bancaire allemand en 4 catégories séparées : caisses d'épargne, banques coopératives, banques privées et banques publiques, ce qui réduit les possibilités de regroupement. Certes le système bouge mais c'est très récent, ainsi Commerzbank a pris en 2008 le contrôle de Dresdner Bank et en 2010 Deutsche Bank a repris la banque postale, (3) la faible rentabilité provient aussi de l'évasion fiscale, c'est-à-dire à la fuite massive des capitaux vers la Suisse et le Luxembourg qui ne permet pas d'exploiter tout le potentiel de l'épargne allemande. Dans l'Allemagne d'hier, du point de vue financier, il valait mieux être client qu'actionnaire d'une banque. Cette époque est révolue et tant l'introduction des ratios de fonds propres de Bâle 3 en 2013 plus exigeants que les prochains tests bancaires vont marquer l'entrée dans un nouveau monde bancaireavec pas mal de retard sur les autres pays d'Europe, notamment sur l'Espagne. Cela devrait ouvrir la voie à des banques européennes intéressées.
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