Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, Journaliste-essayiste
Les intérêts de l'Allemagne sont-ils les mêmes que ceux de ses principaux partenaires européens, à commencer par la France ? À l'évidence, non. L'Allemagne joue son jeu. Elle entend faire en sorte que l'Europe que ce soient ses partenaires ou les institutions communautaires ne vienne pas se mettre en travers de sa stratégie. Celle-ci est relativement simple. L'Allemagne est un pays mercantiliste et un pays de vieux. Elle doit exporter, accumuler les excédents commerciaux, pour financer ses retraités d'aujourd'hui et de demain. Et pour continuer à investir dans son outil industriel. Cette stratégie est double. On voit, sur le plan humain, que pour faire face à une pénurie de main d'uvre qualifiée, elle va attirer les jeunes diplômés de cette Europe du sud en crise. C'est tout le sens de l'initiative qui va être prise avec les gouvernements français, espagnol et autres, de ce fameux Plan jeunes, pour lequel l'Allemagne va condescendre à ce que l'on mobilise quelques ressources financières au niveau européen. On va former des jeunes pour qu'ils viennent s'employer dans les usines allemandes. Sur le plan commercial, voilà déjà quelques années, que l'Allemagne réfléchit au coup d'après. On a voulu croire qu'elle se rallierait à une relance, chez elle comme chez ses partenaires, parce que c'était sur l'Europe, la zone euro, qu'elle réalisait l'essentiel de ces excédents commerciaux. C'était vrai. Ça l'est de moins en moins. Avec réalisme, cynisme diront certains, l'industrie allemande sait qu'elle a fait le plein en Europe. Elle a éliminé, sur ses secteurs de prédilection, la plupart de ses concurrents, pris les parts de marché, et elle ne pourra faire plus en matière d'excédents que ce qu'elle a déjà fait. En revanche, il lui faut accroître ses exportations vers le reste du monde. Et, surtout, réduire son déficit avec la Chine. C'est en bonne voie. L'époque où la France était le premier fournisseur de l'Allemagne n'est plus qu'un lointain souvenir. La Chine est son premier vrai fournisseur, si l'on considère que les Pays-Bas ne sont qu'un sas, par lequel transite une large part du commerce européen, et notamment des produits
.made in China. Pour Berlin, l'objectif est donc de réduire son déficit commercial avec Pékin. C'est en bonne voie. Il était de 27 milliards d'euros en 2008. Et il est déjà revenu à 10,7 milliards en 2012. Pour cela, il faut continuer d'offrir au partenaire chinois, qui mène la même stratégie mercantiliste, un marché européen ouvert. C'est tout le sens de cette alliance de fait, cet axe Sino-Allemand que l'on voit émerger. Et ce qui vient de se passer sur les panneaux solaires est hautement symbolique. Pékin a tué la plupart de ses concurrents occidentaux dans ce secteur, en subventionnant ses propres fabricants. Les Américains, mais aussi les Allemands, ont été les victimes de ces pratiques. C'est même une petite entreprise allemande qui est à l'origine de la plainte à Bruxelles. Mais le marché chinois vaut bien une messe et quelques milliards d'exportations de biens d'équipements dont la Chine a besoin pour se développer. Et à Berlin, on a fait finalement une croix sur le photovoltaïque. Les intérêts des 5 000 entreprises allemandes installées en Chine, ceux de l'industrie automobile, de Volkswagen ou de Siemens, sont autrement plus importants. Voilà pourquoi Angela Merkel a sifflé la fin de la partie. Pas question d'ériger des barrières protectionnistes contre les produits chinois. Cette annonce a été faite au moment où Berlin recevait le nouveau Premier ministre chinois. La Commission va faire un baroud d'honneur, mais elle va battre en retraite, puisque c'est désormais l'Allemagne qui commande.
Jean-Michel Quatrepoint, Allemagne : la Chine plutôt que l'Europe, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 3 juin 2013 . 4 min. 13
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