Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, Journaliste-essayiste
Après les Etats-Unis, c'est au tour de l'Union européenne de s'attaquer à l'optimisation fiscale des multinationales. Mieux vaut tard que jamais ! On pourrait faire remarquer, aux uns comme aux autres, qu'ils ont fermé les yeux pendant des années sur un phénomène qui se traduit pour les États par un manque à gagner, chaque année, de plusieurs centaines de milliards de dollars, en taxes et impôts.
Oui, il y a bien eu, depuis des décennies, deux poids, deux mesures : ceux qui payaient l'impôt, généralement les PME, et ceux qui ne le payaient pas : les multinationales. À l'image des Apple, Google, Amazon, mais aussi des General Electric, Fiat, Vodaphone et bien d'autres ! Et ce, grâce aux montages financiers et juridiques que banquiers et lawyers leur concoctaient. Grâce aussi à la complaisance d'un certain nombre d'États qui déroulaient le tapis rouge — c'est-à-dire le zéro taxe — pour les attirer sur leur sol.
Chacun, désormais, a en tête les montages d'Apple entre l'Irlande, les Pays-Bas et les Bermudes. Ceux d'Amazon, où le groupe localise sur le seul Luxembourg, les quelques 15 milliards d'euros de bénéfices réalisés sur le marché européen.
À l'origine de ces manœuvres fiscales, il y a, bien sûr, les différences de fiscalité au sein de l'Union européenne. Le taux d'IS en Irlande n'est que de 12,5 %. Le plus simple eut été d'harmoniser les fiscalités. Dans une Europe à 28, c'est impossible, en raison de la règle de l'unanimité. C'est ainsi que l'Irlande brandit son veto, dès qu'on lui demande d'augmenter son taux d'IS.
La Commission européenne — une fois n'est pas coutume — a donc décidé d'attaquer ce dumping fiscal par la bande. En s'attaquant aux accords au coup par coup que ces États « dumpers » négocient avec les multinationales. Car, en plus de leur fiscalité avantageuse, l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas accordent des avantages supplémentaires au cas par cas. C'est ainsi qu'Apple, Amazon et d'autres, ne paient même pas l'impôt dans ces pays.
À Bruxelles, on estime donc que ces accords constituent des aides d'État. Si les enquêtes s'avèrent concluantes, la Commission exigera des multinationales qu'elles remboursent les milliards d'euros correspondant à ces aides fiscales indues. Ces enquêtes vont prendre du temps, mais il s'agit en réalité de faire pression sur ces groupes et sur les États concernés, pour revoir les règles fiscales. Une offensive à mettre en parallèle avec celles menées aux Etats-Unis, qui poursuivent les mêmes objectifs : rapatrier de la matière fiscale.
Une offensive, qui s'inscrit aussi dans celle menée par l'OCDE. Mandaté par le G20, l'organisme a un agenda particulièrement chargé. Un certain nombre de mesures, pour lutter contre l'optimisation fiscale, vont se mettre en place à partir de 2015. Ainsi, les multinationales devront obligatoirement produire un rapport d'activité, pays par pays. Rapport dans lequel elles devront indiquer leurs bénéfices et impôts payés… localement. L'optimisation fiscale est née de la volonté d'éviter la double imposition. Elle a dérivé vers la double non-imposition. Il est temps que le balancier reparte de l'autre côté.
Jean-Michel Quatrepoint, La guerre au dumping fiscal est déclarée, une vidéo Xerfi Canal
Publié le jeudi 16 octobre 2014 . 3 min. 23
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