Vidéo réalisée en partenariat avec le Printemps de l’économie 2024 « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »
Le secteur industriel représente près de 20% du PIB européen, révélant des situations très hétérogènes entre les pays membres de l’Union européenne puisqu’il représente selon les données de l’OCDE :
- 25% du PIB en Pologne,
- 24% en Allemagne
- 22,6% en Hongrie
- 21,1% en Italie
- 13,2% France
Outre le poids de l’industrie dans le PIB, les divergences entre les États sont lisibles dans des balances commerciales très différentes.
La politique industrielle est principalement du ressort des États membres, même si jusqu’à la fin des années 1980 l’Union européenne avait quelques politiques sectorielles, notamment pour la sidérurgie et le textile. Depuis le sujet des politiques verticales était devenu presque tabou. La pandémie, la guerre en Ukraine et le contexte géopolitique ont poussé l’Union européenne à faire évoluer sa doctrine.
Depuis la fin des années 1980, la politique européenne :
- Limite les aides d’État pour ne pas fausser la concurrence entre les États membres
- A pour ambition de créer les conditions favorables à la compétitivité
- Se limite à une politique dite « horizontale » donc qui ne ciblait pas des secteurs en particulier
En mars 2020, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie industrielle autour de 3 axes :
- Renforcer la résilience du marché unique avec notamment un mécanisme européen de filtrage des investissements directs étrangers mis en place en octobre 2020
- Réduire la dépendance européenne, notamment en matière de matières premières critiques, de principes actifs et de composants comme les semi-conducteurs avec notamment la directive sur les batteries revue en 2023 et avec le Chips act en 2022
- Accélérer la transition écologique et numérique avec notamment l’objectif de réduire de 55% les émissions de CO2 en 2030 par rapport à 1990 et le Net Zero Industrial Act publié en janvier 2023
Les dispositifs majeurs proposés par l’Union européenne peuvent être largement améliorés. Par exemple :
1) Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est entré en vigueur en octobre 2023 et doit imposer une taxe sur certains intrants comme l’acier ou l’aluminium.
a. Il est présenté comme une forme de protectionnisme vert, ce qui est largement discutable
b. Cet outil doit permettre d’éviter les fuites de carbone à mesure que le marché carbone européen évolue avec la suppression progressive des quotas gratuits
c. Mais il pourrait avoir un impact à l’exportation pour les industriels européens qui verront mécaniquement leurs coûts augmenter
d. Il ne couvre pas suffisamment les produits semi-finis et finis donc il y a un risque de délocalisation des industries aval
2) Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) ne sont pas nouveaux puisqu’ils permettaient déjà de financer des infrastructures transnationales avec des fonds nationaux ont évolué pour permettre le financement de projets industriels
a. Leur évolution est une inflexion dans la politique sur les aides d’État
b. La divergence de situation économique entre les États membres pourrait faire que certains, notamment les plus frugaux, ont plus de moyens pour financer des projets
Sur le plan des aides d’État, des subventions diverses de soutien aux entreprises ont pu être autorisées grâce aux dispositions des cadres temporaires adoptés dans le cadre de la pandémie et de la guerre en Ukraine.
La question d’un endettement européen, sur le modèle de celui du plan de relance européen, est à poser pour assurer le financement de la transition écologique, tout en préservant les industries européennes. La question d’un fonds souverain européen est également clé.
Les politiques industrielles offensives de la Chine et des États-Unis :
- Menacent le continent européen d’un décrochage industriel
- Exacerbent la concurrence entre les États membres qui ont des divergences d’intérêts de plus en plus marqués
Force est de constater que les États européens :
- Peinent à s’aligner autour d’objectifs communs et jouent plutôt le jeu du dumping fiscal et social,
- Se font de la concurrence pour attirer des projets sur leur territoire
Outre, les batailles autour des aides publiques, certains États rognent sur leurs dépenses de protection sociale pour gagner en compétitivité. Par exemple, la Hongrie a baissé de 6 points ses dépenses sociales entre 2012 et 2022, passant de 23% du PIB à 17%, quand elles sont de 31% en France.
Alors que le prix de l’énergie plombe la compétitivité des industries européennes, la réponse de l’Union européenne semble peu ambitieuse face au danger qui pèse sur ses industries, en particulier celles de l’amont, et sur les emplois industriels. Une Europe, certes moins naïve, mais empêtrée d’en une mortifère compétition interne.
Publié le mardi 23 avril 2024 . 5 min. 07
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