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Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, Journaliste-essayiste

Nos dirigeants politiques et nos technocrates de Bercy n'ont jamais dû entendre parler de la théorie des dominos. Sinon, ils réfléchiraient à deux fois à sabrer systématiquement dans le budget de la Défense.

Voilà plus de vingt ans, que les crédits militaires sont devenus la principale variable d'ajustement budgétaire. C'est là que chaque année, le ministre des Finances et ses services trouvaient les quelques centaines de millions, voire même les milliards qui permettaient de réduire le déficit budgétaire.

Un moyen facile d'abord parce que nous étions en paix. Plus personne ne nous menaçant, apparemment, il n'était donc pas utile de dépenser autant pour nous défendre. Ensuite parce que dans les médias et une partie de l'opinion, notamment chez les jeunes, l'armée n'avait pas bonne presse. Plutôt des écoles que des casernes. Enfin, l'armée est, par définition, une grande muette. Elle n'a pas de syndicat qui descend dans la rue, fait grève, bloque le pays.

Voilà pourquoi, au fil des ans, notre budget militaire s'est réduit, parallèlement à l'influence de notre pays dans le monde et en Europe. Comme s'il y avait une relation de cause à effet. Certes, l'armée ne devait pas être exemptée d'efforts de gestion. Certes, il y a eu bien des gabegies et des erreurs de choix de matériels, mais les industries de défense étaient un de nos points forts. Il y a toujours eu un lien direct ? et les Etats-Unis le montrent encore ? entre les crédits militaires et l'ensemble de l'économie. Ces crédits, notamment en matière de recherche et d'innovation, irriguent l'ensemble de l'économie et du tissu industriel. Tout comme les ventes d'armes participaient à nos excédents commerciaux.

Aujourd'hui, le constat est accablant. La plupart des positions acquises pendant les Trente Glorieuses sont en passe d'être perdues. Les Rafale n'ont pas remplacé les Mirages. Les Américains, les Russes, mais aussi les Allemands, les Britanniques, les Israéliens et les Chinois sont devenus plus performants. Il y a une corrélation directe entre les budgets de la Défense et les exportations. Plus on réduira les crédits militaires en France, moins on exportera. À terme, c'est donc toute la filière industrielle qui est menacée.

Il y quelques mois, Jean-Yves Le Drian se félicitait d'avoir sanctuarisé quelques grands programmes dans la loi de programmation militaire. Six mois après, Bercy, mais aussi apparemment Matignon et l'Élysée, le désavouent. On évoque des réductions supplémentaires de 2 milliards d'euros par an. Cela aura des conséquences incalculables pour notre pays.

Avec la loi de programmation militaire, on était déjà à l'os. C'est-à-dire que l'armée française ne pouvait plus assumer un certain nombre de ses missions. Avec une nouvelle amputation, quelle que soit son ampleur, le scénario est écrit. Dans un mois, dans un an, on nous expliquera que la force de dissuasion nucléaire ne peut plus être conservée en l'état. Et qu'il faudra donc envisager peu à peu sa disparition. De même, l'unique porte-avions, qui n'est opérationnel que la moitié de l'année, pourrait être mis sous cocon, voire vendu. Qui ne voit que ce jour-là, la France perdra son statut de moyenne puissance pour descendre encore d'un cran et qu'elle n'aura plus aucune justification à détenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. La France ne pourra même plus invoquer ses capacités à défendre l'Europe pour justifier ses déficits. La boucle sera bouclée. On reviendra cinquante ans en arrière. Il ne restera plus qu'à s'en remettre aux Etats-Unis pour notre défense. Et aux Allemands pour le pilotage de notre industrie et de notre économie.

Jean-Michel Quatrepoint, Budget de la défense : la facture du bradage, une vidéo Xerfi Canal

Publié le jeudi 22 mai 2014 . 3 min. 54

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