Les prévisions économiques de Xerfi 2012-2017 en vidéo sur Xerfi Canal.
Ludovic Melot, directeur d'études Xerfi-Precepta.
Les services aux entreprises à forte valeur ajoutée (les prestations intellectuelles, pour faire simple) ne sont pas épargnés par la crise. Mais ils représentent néanmoins une vraie force pour la France.
Pour bien vous faire prendre la mesure de l’importance de cette filière, livrons-nous un petit exercice très parlant, sous forme de comparaison avec un secteur que tout le monde connaît : l’automobile. Alors, l’automobile, c’est environ 90 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 184 015 employés en ETP et 12 milliards d’euros de valeur ajoutée.
Intéressons-nous maintenant aux services à forte valeur ajoutée (sous ce vocable, sont regroupés le conseil, le recrutement [hors intérim], les métiers du chiffre et du droit, les études et l’ingénierie et, enfin, les activités informatiques). Et bien, cet ensemble pèse 171,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 881 309 employés en ETP et 89,2 milliards d’euros de valeur ajoutée. Autrement dit, la contribution de ces activités au PIB est, comme vous le découvrez, 7,4 fois supérieure à celle de l’automobile.
Alors, évidemment, tout n’est pas rose dans le monde des services aux entreprises :
- Les croissances à 2 chiffres des années 1990-2000 appartiennent par exemple définitivement au passé. Il faut dire que l’environnement était alors exceptionnellement propice : l’accélération de la mondialisation et des opérations de fusions-acquisitions, les débuts de la vague d’externalisation au sein des entreprises et, naturellement, les 3 grands passages : an 2000, 35 heures et euro.
- Par ailleurs, ces activités ne sont pas épargnées par la crise, souffrent des carences françaises en matière d’entreprises de taille intermédiaires (un phénomène qui a déjà été évoqué au cours de cette conférence).
- Enfin, ces activités sont elles aussi touchées par le phénomène des délocalisations. Quelques exemples parmi tant d’autres : les cabinets de conseil, qui délocalisent leur service de documentation, les cabinets comptables, qui font faire à l’étranger certaines opérations de saisie. Et même la R&D, qui, nous en avons eu un exemple récent avec l’automobile, est de plus en plus souvent délocalisée. Quant à l’informatique, tout le monde a entendu parler de Bangalore et des centaines de milliers d’informaticiens qui y travaillent pour le compte de grandes SSII occidentales dans la programmation ou la maintenance.
Les SSII, les sociétés de services informatiques, ont en effet depuis longtemps adopté deux grandes caractéristiques de l’industrie. A savoir : la segmentation des tâches, afin de gagner en productivité grâce à la spécialisation des équipes. Et la délocalisation afin de profiter d’un coût du travail moins élevé et d’un environnement réglementaire plus accommandant.
Capgemini a par exemple misé à fond sur ce modèle économique. Si bien qu’en 2010, le groupe employait plus de 30 000 collaborateurs en Inde, contre à peine 20 000 en France. Cela dit, ces chiffres méritent d’être relativisés. D’une part, toutes les SSII n’ont pas poussé aussi loin ce modèle. D’autre part, tous ces salariés indiens ne travaillent pas pour le marché français. En fait, la plupart d’entre eux répondent aux besoins des marchés anglo-saxons.
Mais surtout, il faut bien comprendre que si les métiers des services intellectuels peuvent délocaliser une partie de leur activité, cette partie reste le plus souvent très réduite. En effet, dans le cadre de toute mission, les phases amont (le conseil) et aval (l’accompagnement des dirigeants d’entreprises) demeurent et demeureront des activités de proximité. Des activités de proximité qui seront par définition confiées à des équipes françaises.
Quand McKinsey envoie une équipe dans une entreprise hexagonale pour une mission, ce ne sont pas des consultants qui viennent de Boston ou de Chicago. Ce sont des consultants français, dirigées par des patrons français (des patrons français dont les compétences sont par ailleurs reconnues comme l’illustre la nomination de M. Pierre Nanterme à la tête d’Accenture Monde).
Autrement dit, les métiers des prestations intellectuelles représentent une très belle opportunité pour la France compte-tenu de cet impératif de proximité. Cela dit, les acteurs de la filière feraient bien de ne pas s’endormir sur leurs lauriers. Car, comme on peut l’observer au niveau des particuliers, les modes de consommation des entreprises ont profondément évolué au cours des dernières années. Avec une consommation qui tend à se polariser autour de deux grands types de prestations :
- D’un côté des prestations banalisées pour lesquelles les entreprises rechercheront sans état d’âme le meilleur prix.
- De l’autre, des prestations véritablement différenciées et personnalisées pour lesquelles elles sont prêtes à payer le prix.
Les deux positionnements sont économiquement viables, mais à condition naturellement d’adapter son modèle à la clientèle visée et de l’assumer. En revanche, les modèles intermédiaires sont clairement de plus en plus menacés. Bref, la situation des entreprises de services intellectuels est certainement moins inquiétante que celle d’autres secteurs de l’économie. Mais, si elles veulent continuer de prospérer, elles devront elles-aussi faire des choix clairs et assumés pour s’adapter aux mutations de la demande des entreprises.
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