Les crises successives ont révélé une vérité cinglante : nos modèles économiques traditionnels sont obsolètes. Face aux chocs répétés de ces dernières années, les outils jadis considérés comme fiables se sont révélés totalement inadaptés. La pandémie, suivie de la crise énergétique déclenchée par l'invasion de l'Ukraine, a mis à nu l'incapacité des prévisions économiques à saisir l'ampleur des bouleversements. Les économistes doivent maintenant faire face à une réalité incontournable : il est urgent de repenser la manière dont nous anticipons l'avenir.
Il y a à l’évidence une crise de méthode. C’est ce que révèle une récente note de la Direction générale du Trésor, rédigée par Lina Bourassi, Antoine Claisse et Louise Phung. Les modèles traditionnels de prévision se seraient effondrés sous le poids des nouvelles dynamiques économiques. Ces modèles, reposant principalement sur des indicateurs de demande, ont montré leurs limites face aux chocs d'offre sans précédent observés entre 2020 et 2023. L'étude souligne ainsi que les indicateurs tels que les climats des affaires, qui ont historiquement servi de baromètres fiables, n'ont pas su anticiper ni expliquer la profondeur des crises récentes.
Les prévisions économiques sont entrées dans une phase de turbulences profondes. Ce que l'on considérait comme des anomalies sont en fait devenues la norme selon les auteurs. L'époque où les prévisions pouvaient se fonder sur des modèles linéaires et des comportements économiques stables est révolue. Aujourd'hui, les économistes sont confrontés à un environnement où dominent les contraintes d'offre, où les pénuries et les perturbations de chaîne d'approvisionnement deviennent monnaie courante. Les délais de livraison, par exemple, qui étaient autrefois le signe d'une demande robuste, se sont transformés en indicateurs de goulets d'étranglement, perturbant gravement les prévisions.
Une révolution méthodologique draconienne est devenue urgente. Ainsi, face à cet échec manifeste, la Direction générale du Trésor a initié une refonte radicale de ses méthodes. Des modèles alternatifs, intégrant une sélection automatisée de variables, ont été développés pour mieux capter ces nouvelles réalités économiques. Ces modèles, bien plus complexes que les précédents, ont démontré une robustesse indéniable en période de crise, en réduisant de manière significative les erreurs de prévision. Pourtant, au-delà de leur efficacité, ces nouveaux outils soulignent surtout une prise de conscience : il est impossible de prévoir l'avenir avec des méthodes du passé.
Il faut donc aller vers une prévision plus agile et adaptative. La leçon à tirer est claire : nous devons abandonner l'idée qu'il existe une méthode unique, universelle pour prévoir l'évolution économique. À l'avenir, les modèles devront être capables de s'adapter rapidement aux nouveaux chocs économiques, et notamment aux chocs inattendus.
Une conclusion s’impose : ceux qui s'accrochent encore aux anciennes méthodes se condamnent à l'aveuglement. Les crises de demain ne se résoudront pas avec les solutions d'hier. L’époque des méthodes stables est derrière nous. La prévision économique doit désormais se remettre en cause pour à affronter un monde où le changement et l’inattendu sont les seules constantes.
Publié le jeudi 5 septembre 2024 . 3 min. 30
Les dernières vidéos
Prévisions et conjoncture
Les dernières vidéos
de Philippe Gattet
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES