Tout le monde a beau nous expliquer qu’il nous faut absolument changer nos habitudes de consommation, sous peine de sacrifier les prochaines générations, rien n’y fait, rien ne bouge sous un soleil proche de celui de Satan. Ni la morale, ni la culpabilité, ni même le nudge ne nous aident à changer nos habitudes si solidement ancrées. Et même les excellents chroniqueurs de Xerfi canal qui décodent à longueur de semaine nos biais cognitifs n’y peuvent pas grand-chose. La morne litanie des pratiques de consommation se répète, comme si nous étions prisonniers de nos habitudes, alors que le récit dominant de la société de consommation est justement un récit d’émancipation et de liberté. Et pourtant on nous exhorte sans cesse à changer, inverser, ralentir, comme si le temps nous était compté et que nous étions sur la crête, tels des danseurs au bord d’un précipice. Non seulement nous sommes inertes face à des bouleversements qu’on nous présente comme irréversibles, mais en plus nous nous vautrons dans l’acrasie, cette propension que nous avons à prendre des décisions qui vont contre notre propre intérêt. Et si nous essayions une autre méthode, en adoptant tout simplement un autre point de vue ? L’idée que nous puissions changer par souci des générations futures est hypothétique. C’est une illusion à partir du moment ou tout don appelle un contre don et il n’existe pas de sacrifice qui n’attende un retour.
Il n’y a aucune raison pour qu’une génération se sacrifie pour les suivantes. Il faut y donc trouver son propre intérêt. C’est pourquoi, il peut être non seulement utile mais surtout efficace d’inverser la proposition. Et si nous changions de modèle de consommation pour des raisons purement égoïstes ? C’est justement sur cette hypothèse iconoclaste que repose l’« hédonisme alternatif » de la philosophe Kate Soper. Notre volonté de changer de modèle de consommation n’a rien à voir avec la morale ou les injonctions culpabilisantes. Elle est essentiellement liée à l’insatisfaction et à la désaffection à l’égard d’un nombre croissant de consommateurs à l’égard des formes opulentes de consommation. Autrement dit, notre motivation de changer de modèle de consommation n’est pas foncièrement altruiste. Elle peut s’expliquer par la prise en compte croissante des effets négatifs des styles et de rythmes de vie frénétiques propres à la société de surconsommation. Le stress, la fatigue et la frustration ne sont plus compatibles avec notre égoïste recherche d’utilité. Autrement dit, si la surconsommation est remise en cause, ce n’est pas parce qu’elle détruit la planète, mais aussi parce qu’elle représente un frein majeur à toute forme d’accomplissement personnel. C’est pourquoi toute politique de la consommation doit garder en tête que le changement nécessaire de nos modes de consommation ne peut se faire sur un mode liberticide. Il faut que chacun d’entre nous réalise l’intérêt et le plaisir qu’il peut trouver à changer son rapport à la possession, au travail, au temps et aux activités de loisirs.
Publié le mercredi 06 octobre 2021 . 3 min. 27
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de Benoît Heilbrunn
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