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On entend malheureusement trop souvent des individus dire qu’il n’est plus possible de penser en entreprise. Comme si le temps de réfléchir venait à manquer dans une société vouée au diktat de l’urgence et de l’accélération. Pourtant, s’il y a bien un lieu où il semble nécessaire de penser, c’est  l’entreprise. Mais parler, n’est-ce pas, qu’on le veuille ou non traduire une pensée ou trahir une absence de pensée. Parler pour ne rien dire signe toujours une défaite de la pensée. Je ne parle pas ici du bullshit et de la dégoulinade de bons sentiments qui ponctuent les pauses café et autres moments partagés dans les tisaneries. Il n’y a pas que le moi qui soit haïssable. Il y a aussi des mots que nous employons machinalement dans les conversations quotidiennes, ces mots qui sont devenus toxiques à force de tourner dans toutes les bouches. Ces mots qui empêchent de penser et auxquels Samuel Piquet, talentueux journaliste à Marianne, consacre un savoureux dictionnaire, Le dictionnaire des mots haïssables.


On y troue bien évidemment Overbooké, symboles par excellence des futilités, de pensées parasites et d’anglicismes inutiles. Ou bien présentiel calqué sur l’anglais presential et qui n’est employé que par des gens avec qui on ne devrait avoir des conversations qu’en distanciel.


Mais aussi ces mots dont on ne sait plus ce qu’ils signifient. Ainsi Iconique, cet  adjectif servant la plupart du temps de béquille rythmique à une phrase qui manque cruellement d’intérêt et dont le sens demeure nébuleux. D’où pour l’auteur son caractère particulièrement utile pour essayer de donner du crédit à une personne complètement fade et sans intérêt.


Il a aussi ces mots qui parlent à notre insu. Ainsi « coconstruire » qui signifie se mettre d’accord avec d’autres personnes qui ne savent pas plus que vous ce qu’elles veulent construire. Serait-ce le mot idéal pour faire oublier qu’on est en train de tout détruire : l’enseignement, l’industrie, les services publics? Il est commode en tout cas pour diluer les responsabilités. Ou bien encore « Éco-responsable »  pour parler de quelqu’un « capable de brasser plus de vent qu’un parc éolien ».


On y trouve aussi ces mots dont le sens s’est inversé au cours du temps. Ainsi l’agenda qui signifie originellement « agir »,  et qui « désigne désormais un espace théorique servant uniquement à tenter de prouver son intense activité et à justifier sa paresse, tout en reportant aux calendes grecques tout embryon de réflexion et toute velléité d’action. Et puis l’incontournable « anthropocène »  dont l’emploi « en dit en réalité moins long sur notre planète que sur ceux qui pensent pouvoir la protéger et qui s’estiment plus éclairés et plus à même de changer le monde que tous leurs prédécesseurs ».


N'oublions pas le si précieux « Authentique », tellement usité de nos jours que l’adjectif en arrive à signifier exactement l’inverse de son sens étymologique, car ce qu’on attend d’un objet, à l’instar de   votre amour pour votre conjoint, c’est uniquement qu’il « fasse authentique »


La toxicité des mots se joue aussi dans leur détournement. Ainsi, le mot « bienveillance » est utilisé de plus en plus souvent non pas dans le sens de « vouloir le bien » d’autrui, mais dans celui de « voir le bon, le positif » chez l’autre. « Il n’est d’ailleurs pas rare, lorsqu’on enquête sur les nouvelles formes de management, de rencontrer des employés à qui l’on n’avait jamais osé formuler le moindre reproche par « bienveillance » et qui ont été licenciés du jour au lendemain. »


De la même façon le terme « capital » qui pouvait désigner le pécule que les particuliers parvenaient à amasser au fil des ans et de leurs patientes économies. Il désigne désormais l’apparence de culture que vous parvenez péniblement à contrefaire auprès de vos proches, si bien que n’importe quel mot peut désormais lui être accolé et que le nom commun désigne de moins en moins souvent la richesse d’une entreprise ou d’un individu et encore moins l’ensemble de ceux qui les possèdent ainsi que les moyens de production.


Passons sur l’incontournable « Engagé » qui qualifie une attitude consistant à dire de ce que tout le monde considère comme intolérable que c’est intolérable. Or engager signifie à l’origine « mettre en gage », « lier par une promesse », « faire entrer dans une situation qui ne laisse pas libre ». On a pourtant rarement vu aussi peu engageants que les engagements pris de nos jours par les entreprises. Cela correspond à la dépréciation des « valeurs », ces principes qui varient encore plus que les valeurs boursières en fonction de l’époque, de la conjoncture mais surtout de l’identité des personnes qui les convoquent dans leur discours pour mieux vous faire croire à leur loyauté.


Mais rassurez-vous, il est possible de s’extraire de ce gloubi-boulga linguistique que constitue notre novlangue quotidienne ? Vous pouvez d’abord « positiver », c’est-à-dire reprendre à votre compte le slogan d’une marque d’enseigne, signe que vous êtes sur la voie de la sagesse et de la pensée complexe. Et à défaut, si vous restez convaincus que vous n’avez pas de véritable talent particulier, ne lisez aucun livre et n’avez rien d’intéressant à dire, il ne vous reste plus qu’à vous muer en « Influenceur ». À défaut d’exercer une influence sur la vie des autres ou le cours de l’histoire, vous pourrez vous vanter d’en avoir une sur l’algorithme.


Référence : Samuel Piquet, Dictionnaire des mots haïssables, Le Cherche midi, 2023.


Publié le lundi 30 septembre 2024 . 5 min. 50

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