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Au début des années 2000, les jeunes polytechniciens qui voulaient faire fortune ne rejoignaient pas L’Oréal ou Saint-Gobain : ils devenaient traders. Les salles de marchés étaient remplies de matheux qui disaient faire ce métier pendant dix ans pour pouvoir, ensuite, faire le tour du monde en catamaran ou travailler dans une ONG. Les plus recherchés étaient passés par l’école de Nicole El Karoui, la pionnière des mathématiques financières et de la finance quantitative.

Puis la crise des subprimes a douché le petit monde de la finance. Aujourd’hui, les ingénieurs qui veulent réussir vite rejoignent le secteur de l’intelligence artificielle, dans une start up ou chez les Gafam. Au point que l’on parle d’une French Connection de l’IA dans la Silicon Valley : la French Tech de San Francisco, c’est 3000 personnes !

C’est Yann LeCun qui a ouvert la voie. Cet Ingénieur de l’ESIEE, lauréat du prix Alan Turing – l’équivalent d’un Nobel de l’informatique -, a rejoint Facebook en 2013 comme directeur de l'IA et patron du labo de recherche en IA. Donc pour superviser le machine learning, c’est-à-dire l’entraînement de l’IA, et son intégration dans les produits et les services maison. Il est aujourd’hui le patron de la direction scientifique et de la stratégie IA du groupe. Tout récemment, un autre Français, Jérôme Pesanti, ancien responsable du programme Watson d'IBM – lui est titulaire d’un DEA en sciences cognitives, d’un doctorat en maths et d’une maîtrise de philosophie – a été nommé vice-président de la division IA de Facebook.

Autre pape de l’IA dans la Silicon Valley, Luc Julia est le principal concepteur de Siri, l’assistant vocal d’Apple, dont il a été vice-président de l'innovation. En 2021, il a rejoint Renault en tant que directeur scientifique, tout en continuant à vivre essentiellement en Californie. Il est l’inventeur de Reno (R-E-N-O), l’avatar intelligent qu’on trouvera dans la nouvelle R5.

Dans le sillage de ces grandes figures, des dizaines de jeunes Français sont en train de devenir des stars de l’IA : ainsi, une femme, Joëlle Barral, une X qui a déposé 16 brevets à elle-seule, est la madame « santé et IA » de Google, dont elle a rejoint le bureau parisien. Chez Meta, la maison-mère de Facebook, Jean-Rémi King, normalien, pilote une petite équipe dédiée à la recherche fondamentale. Il cherche à mieux comprendre les mécanismes du cerveau pour optimiser le fonctionnement des algorithmes d'IA. Le polytechnicien Thomas Wolfe pilote le même genre d’équipe chez Hugging Face, une start-up qu’il a créée avec deux autres Français… aux Etats-Unis et qui est valorisée aujourd’hui 2 milliards de dollars. Leur plateforme héberge des milliers de modèles pré-entraînés, comme Bert de Google par exemple.

Il y a bien sûr aussi les fondateurs de Mistral AI, la start up en laquelle notre pays met de grands espoirs bien qu’elle ne soit née qu’en février 2023 : Arthur Mensch, Guillaume Lample (tous deux X 2011) et Timothée Lacroix (diplômé de Normale Sup) ont fait leurs armes respectivement chez DeepMind, le laboratoire d'IA de Google, et chez Meta, la maison mère de Facebook, notamment sur les modèles de langage qui sous-tendent l’IA générative.

Cette aura durera-t-elle ? Les écoles d’ingénieurs françaises, qui sont sans doute les meilleures du monde et qui voudraient former davantage de diplômés, semblent avoir du mal désormais à recruter autant de bons élèves en maths et en physique qu’elles le voudraient, et notamment des filles, qui pèsent moins de 20% des effectifs, une proportion qui ne progresse pas. Il faut pourtant pousser cette filière d’excellence qui permet à la France de rayonner dans le monde.


Publié le mercredi 5 juin 2024 . 3 min. 42

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