On assimile souvent les crises à des opportunités d’apprentissage parce qu’elles remettent en question les habitudes en nous forçant à réinventer nos pratiques. La crise du Covid est un très bon exemple puisqu’elle est à la fois :
-une crise sanitaire
-une crise économique et
-une crise dans nos manières de travailler
-ainsi qu’un rappel violent de la possibilité du risque majeur et renversement radical.
On pourrait donc en attendre de cette crise de nombreux apprentissages.
Mais le risque est fort, au contraire, que les entreprises se ruent vers “un comme avant” renforcé et accéléré. Et ce pour deux raisons principalement.
D’une part parce que les managers ne sont vraisemblablement pas en capacité de se mettre en situation d’apprendre. Or, la situation actuelle est que la plupart des entreprises n’ont plus de trésorerie, lorsque les employés sont épuisés nerveusement et cognitivement par le travail à distance dans des conditions pas adaptées… La fatigue, l’anxiété, le besoin de résultats rapides, le rush synchronisé de toutes les entreprises repartant en même temps s’apparentent plus à un lâcher de taureaux dans l’arène qu’à la pratique sereine de cette réflexivité nécessaire à l’apprentissage !
La seconde raison qui peut freiner l’apprentissage tient à ce que la professeure Amy Edmondson appelle l’advocacy trap, le piège de la légitimité, si l’on peut dire. Pour apprendre, il faut se remettre en question et la crise semble être le moment idéal. Cependant c’est aussi le moment où les dirigeants d’entreprises sont le plus amenés à montrer qu’ils sont à la hauteur et qu’on peut leur faire confiance. Beaucoup d’entre eux vont donc répéter et répéter que leur entreprise a un plan de continuité et que tout est sous contrôle. Or, le principe à la fois de la crise et de l’apprentissage, c’est que par définition, ces plans sont débordés par les événements et que l’apprentissage apparaitra de ces débordements. Ce qui est paradoxal, c’est que les dirigeants en répétant toujours plus le récit d’une entreprise à la hauteur de la crise, finissent souvent par y croire eux-même voire, et c’est plus grave, à faire oublier les dysfonctionnements de la crise et donc empêchent les apprentissages. C’est l’advocacy trap ! le piège de vouloir trop expliquer que l’on a fait face à la crise et que l’on s’en sort.
Alors comment apprendre quand même de cette crise ? Tout d’abord en sortant de l’advocacy trap en n’oubliant pas à quel point nous avons fonctionné en mode dégradé. Et ensuite en stimulant la reflexivité.
Mais, il faut s’y forcer car les conditions d’urgence dans la reprise nous en empêchent. Il faut donc une véritable discipline, au sens propre, de l’apprentissage.
On peut le faire par exemple en instaurant des formes de gouvernance plus démocratiques (et pas que participatives), en prenant davantage en compte le facteur santé ou en renforçant l’esprit critique dans les entreprises pour éviter le mimétisme et institutionnaliser une remise en question permanente.
Cette question est particulièrement importante car d’autres crises, environnementales ou sociétales de cette gravité, s’annoncent. Je ne sais pas s’il est vraiment possible de les anticiper. Par contre il est essentiel que nous renforcions nos registres de pensée et donc d’apprentissage pour y faire face !
Publié le lundi 06 juillet 2020 . 3 min. 51
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