N'imitez pas les meilleurs : le biais du survivant
Publié le vendredi 16 novembre 2018 . 3 min. 14
Vous connaissez certainement des ouvrages du type « Les secrets des entreprises qui réussissent » ou « Les habitudes des managers à succès » ou encore « Les stratégies des meilleurs leaders ». Il existe toute une littérature managériale autour de ce principe : détailler par le menu les recettes du succès en s’inspirant d’une série de réussites. De même, beaucoup de consultants et de conférenciers proposent de suivre les traces d’individus ou d’organisations gagnantes, en faisant l’hypothèse qu’il suffit d’imiter leur exemple pour réussir. Les plus convaincants vont jusqu’à identifier des traits communs entre de nombreuses trajectoires de succès, persuadés qu’ils établissent une vérité scientifique : « si tous ceux qui ont réussi ont suivi la même méthode, suivez-là et vous réussirez aussi. » Dans beaucoup d’écoles et d’universités, on n’étudie quasiment que des cas de succès, en pensant que c’est le meilleur moyen d’enseigner aux étudiants comment devenir des managers performants.
L’intérêt de s’intéresser aux perdants
Imaginez que vous rassemblez une cinquantaine de chimpanzés et que – grâce à un ingénieux dispositif à base de bananes – vous leur apprenez à taper sur des claviers qui leur permettent de passer des ordres de Bourse. À la fin de la journée, il est possible que l’un des chimpanzés ait accumulé une petite fortune. Vous allez alors chercher à identifier quelles sont les extraordinaires qualités qui distinguent ce chimpanzé des quarante-neuf autres, en oubliant qu’il a peut-être tout simplement eu de la chance. C’est cela le biais du survivant : prêter aux gagnants des qualités hors normes, alors qu’ils ont le plus souvent seulement survécu, par chance, et qu’ils avaient en fait les mêmes qualités et les même défauts que ceux qui ont perdu. Cependant, pour s’en rendre compte, il faut non seulement s’intéresser aux gagnants, mais aussi s’intéresser aux perdants. Or, s’intéresser aux perdants quand on recherche des recettes du succès semble inutile, incongru, voire paradoxal.
Ce biais est particulièrement présent dans les études consacrées à la pérennité des entreprises. On observe par exemple que les start-up qui passent le cap des cinq années d’existence partagent des caractéristiques communes, ou que les entreprises centenaires ont un profil comparable. Malheureusement, là encore, on ne vérifie quasiment jamais que toutes celles qui ont échoué étaient véritablement différentes : l’attrait pour le succès est tel qu’on néglige d’enquêter sur l’échec.
Par conséquent, pour ne pas être victime du biais du survivant, si vous cherchez véritablement à comprendre les raisons du succès, assurez-vous que vous étudiez aussi les raisons de l’échec.
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