Vous avez peut-être déjà entendu un commentateur ou un analyste dresser une analogie entre la fonction de responsable politique et celle de dirigeant d’entreprise. Dans les deux cas, il s’agit de conduire une action collective, de définir des orientations et de mettre en place les conditions de leur application.
Or, lors d’une récente conférence, un ancien premier ministre français soulignait avec malice qu’il existe des différences fondamentales entre la fonction qu’il a occupée et celle de directeur général d’une entreprise.
Premièrement, l’intégralité du gouvernement est constituée en quelques jours, et les ministres ne sont choisis ni pour leur compétence avérée, ni pour leur fine connaissance du portefeuille qu’ils vont occuper, mais plutôt pour respecter les équilibres politiques au sein de la majorité. On a vu ainsi un ministre de l’Agriculture devenir ministre de l’Intérieur, une ministre de l’Environnement devenir ministre de l’Enseignement scolaire et un ministre de la Culture devenir ministre de la Défense. Dans une entreprise, aucun directeur général ne commettrait l’erreur de nommer toute son équipe de direction en même temps, en sélectionnant les directeurs sur des critères de consensus plutôt que sur des critères de compétence. Il semble tout aussi invraisemblable qu’un DRH devienne directeur financier, ou qu’une directrice financière soit nommée au marketing.
Deuxièmement, alors qu’un directeur général doit justifier ses actions devant son conseil d’administration, qui ne se réunit qu’entre une et six fois par an, les ministres doivent se présenter tous les mardis devant l’Assemblée nationale pour répondre aux questions des députés, et tous les mercredis devant le Sénat pour répondre à celles des sénateurs. Bien entendu, cette obligation de double justification hebdomadaire de l’action du gouvernement peut freiner les ambitions de réforme et la définition d’orientations à long-terme. Si dans une entreprise les dirigeants devaient répondre deux fois par semaine aux questions de leur conseil d’administration, on peut légitimement estimer que leur latitude d’action en serait significativement réduite. Si cet impératif de débat public est parfaitement légitime dans le fonctionnement d’une démocratie, il semble pour le moins artificiel dans une entreprise, où les enjeux sont par nature moins cruciaux, les parties prenantes moins nombreuses et les objectifs moins complexes.
Le politique n’est donc pas exactement un manager. Cela dit, lorsque certains dénoncent avec véhémence une « managérialisation » de l’action publique, ils commettent en fait un contresens. Faire du management, ce n’est pas réduire les budgets, fixer des objectifs de performance ou accroître les procédures. Faire du management, s’est s’assurer qu’une organisation fonctionne au mieux et qu’elle remplit pleinement sa mission. En fait, ce qui est dénoncé, ce n’est pas le management, mais plutôt son absence. Les pratiques qui sont condamnées, ce ne sont pas celles de managers professionnels, mais au contraire celles d’individus dont la formation au management est lacunaire. Heureusement, le management, cela s’apprend, à la fois par l’éducation et par l’expérience, et nommer des responsables qui ne l’ont pas appris constitue un véritable danger pour des organisations publiques. Ce dont souffrent un certain nombre d’administrations, ce n’est pas d’un excès de management, mais plutôt de son absence.
Publié le mercredi 10 avril 2024 . 3 min. 10
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de Frédéric Fréry
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