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Plusieurs rapports sanitaires ont mis en lumière l’état médiocre des rivières françaises : toutes ne sont pas concernées mais une minorité d’entre elles le sont, et on sait le rôle que joue la qualité des eaux pour la flore et la faune. Comment empêcher que la situation ne se détériore encore un peu plus ?


Au niveau individuel nous sommes invités à changer nos habitudes alimentaires, à limiter l’utilisation de pesticides, en particulier d’herbicides de fongicides, en somme, à supprimer dans notre quotidienneté les produits les plus polluants. Au plan collectif, compte-tenu de notre incapacité à changer nos habitudes, peut-être faudrait-il imaginer de donner à nos fleuves et à nos rivières une personnalité juridique, en leur reconnaissant des droits économiques et sociaux particuliers, à l’instar d’une personne ou d’une entité vivante. L’idée serait alors de doter ces biens communs que sont les eaux fluviales d’un statut spécifique afin de résoudre ce qu’on nomme la tragédie des communs : c’est-à-dire la surexploitation de sites en accès libre qui occasionne au final une dégradation à terme de la ressource commune.


Or ce que je viens de décrire c’est précisément l’expérience tentée en Nouvelle-Zélande pour le Whanganui, un fleuve de 290 kilomètres de long, décrite dans l’ouvrage « Etre la rivière » du philosophe et économiste Sacha Bourgeois-Gironde. « Etre la rivière » nous invite à réfléchir à ce bouleversement encore inimaginable il y a quelques années : celui d’un acte juridique, le Te Awa Tupua, qui ambitionne de donner à la rivière un droit personnel et géographique à l’existence. Cet accord est surprenant sur plusieurs points :


-premièrement le droit est reconnu à la rivière de se posséder elle-même, c’est-à-dire qu’elle est un être à part entière qui coexiste, à égalité avec les autres êtres, humains ou non-humains.
-deuxièmement cet acte a été écrit dans l’intérêt du fleuve et dans son seul intérêt.
-troisièmement, il tente de résoudre un problème sur fond de lutte politique et territoriale issue de la colonisation: en effet, alors que c’est la Couronne qui était propriétaire du domaine public, au détriment des tribus maories riveraines du fleuve, cette accord transfère cette propriété au Te Awa Tupua lui-même. Dans le même temps, il fait place à la reconnaissance du lien particulier et à l’antériorité des usages existant depuis des siècles entre le fleuve et ces tribus, celles-ci les considérant d’ailleurs comme leur ancêtre. De sorte que soient reconnus aussi les discriminations du passé.


Au final indique l’auteur (p. 116), « la rivière devient une non-propriété commune » et c’est un comité de tutelle doté de plusieurs cercles qui orientent les décisions, comité dans lequel on trouve et c’est un point important, les entreprises de pêche, de tourisme et les industries locales qui exploitent les ressources du fleuve. Ces cercles fonctionnent un peu comme le feraient les différentes branches d’une famille rassemblées autour d’une personne âgée, faisant valoir ses droits en son nom.


Présentée ainsi, cette innovation de concept et de contexte qui lutte contre la tragédie des communs a toutes les raisons de nous convaincre : et notamment sur la faculté du droit à faire preuve de créativité sur la question écologique. Mais le livre, dans son approche philosophique et quelque peu maritime, dans sa manière de nous faire naviguer le long du fleuve, nous montre tout le chemin qui reste à parcourir. Certes il s’appuie sur tout le courant qui s’est développé dans le domaine des humanités environnementales ou dans les travaux de Philippe Descola, mais il interroge surtout : cet acte « réussi(ra)-il entièrement ce déplacement catégoriel ? » (p. 189) Car si la rivière déborde par exemple, qui sera tenu pour responsable ? Et qui pourra alors prétendre parler en son nom ? Elle qui n’a besoin de personne pour s’appartenir, mais de quelqu’un pour se faire entendre.


Au fond si cette proposition venue du bout du monde nous touche et interpelle notre imagination, c’est sans doute finalement par l’effet de recadrage qu’elle produit : celui d’un nouveau rapport plus charnel, plus intime, et plus poétique aussi à la nature avec laquelle nous coexistons, au milieu contingent et en danger auquel en partie nous co-appartenons. C’est d’ailleurs là que la symbolique familiale attachée au Whanganui trouve ses limites ajoute l’auteur, car « on ne possède pas sa famille, ni son père, ni sa mère : (mais) on peut (seulement) veiller sur eux. » (p. 126-127).


Publié le mercredi 12 janvier 2022 . 4 min. 28

D'APRÈS LE LIVRE :

Être la rivière

Être la rivière

Auteur : Sacha Bourgeois-Gironde
Date de parution : 26/08/2020
Éditeur : PUF
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