« Vous pourrez (bientôt) vous téléporter instantanément sous forme d'hologramme pour être au bureau sans avoir à vous déplacer, à un concert avec des amis ou dans le salon de vos parents pour rattraper le temps perdu. Cela ouvrira davantage de possibilités, quel que soit votre lieu de résidence. Vous pourrez consacrer plus de temps à ce qui compte pour vous, réduire le temps passé dans les embouteillages et diminuer votre empreinte carbone. » (p. 27) Celui qui s’exprime ici en faveur des avatars qui bientôt imiteront notre tête et nos mouvements corporels, c’est évidemment le fondateur de Facebook qui voit dans le télétravail et la simulation deux occasions de croire en Meta, ce nom inventé par des auteurs de science-fiction venu remplacer celui du média social le plus connu au monde. Mais quand Zuckerberg évoque ces nouvelles « possibilités », à quoi pense-t-il vraiment ? Pour le savoir, plongeons dans le petit ouvrage édité chez Hermann de Philippe Cassoulat et François Illouz Métavers, NFT : décrypter le nouveau monde, dont on peut tirer trois leçons :
-la première est tout simple : elle consiste à comprendre que certains secteurs se prêtent mieux que d’autres au Métavers. C’est le cas du domaine sportif, où votre avatar pourra prendre place dans les tribunes grâce à des caméras à 360 dégrés qui vous plongeront au cœur des grands événements médiatiques. C’est aussi le cas de la mode et du luxe du fait de l’attachement aux marques des fans qui forment déjà une puissante communauté. Avec bientôt l’avènement du shopping virtuel où le design des boutiques, la tarification, la mise en valeurs des produits dépendra des données que l’on possède déjà sur vous, ou que l’on possédera bientôt.
-la seconde leçon porte sur les NFT. Là encore, pour les marques, créer des NFT« insufflent une vie nouvelle dans les programmes de fidélité » (…) et permettent de lutter contre la contrefaçon grâce à l’enregistrement de « l'historique de ses propriétaires » dans la blockchain (p. 72). Ce potentiel pour les marques n'est toutefois pas sans risque comme le montre le conflit entre Hermès et l’artiste Mason Rothschild qui commercialise des NFT sous la marque MetaBirkin en estimant ne pas vendre « de faux sacs Hermès, mais que ce sont ‘des œuvres d'art représentant des sacs Birkin imaginaires en fourrure’. La confusion entre deux sacs, l'un réel et l'autre virtuel, peut en effet paraître difficile » indiquent les auteurs (p. 99).
-troisième point : le texte ouvre quelques perspectives sur un domaine fascinant, celui des DAO, des organisations autonomes décentralisées, dont la gouvernance est régulée par des smart contracts entre les membres sans qu’intervienne une autorité souveraine. Plus de leadership mais seulement du management à distance, où les décisions sont prises par accord consensuel et actées ensuite dans la blockchain. Ce modèle de gestion alternatif, plus démocratique pour certains, mais complètement déresponsabilisant pour d’autres, devra toutefois veiller à sa propre sécurité : les auteurs rappellent à cet effet que « les smart contracts et les DAO se sont révélés vulnérables dès 2016, quand un pirate a détourné presque un tiers des 139 millions de dollars réunis dans le premier fonds d'investissement décentralisé sur Ethereum » (p. 93).
En dernière analyse, cet essai écrit par un chef d’entreprise et un avocat spécialisé dans les nouvelles technologies trace des perspectives et se termine avantageusement sur une série de questions qui en dit long sur les incertitudes du futur (p. 88). « Les avatars sont-ils des sujets de droit ? (…) qui sont les personnes juridiquement responsables dans le cadre des DAO, ces plates-formes acéphales ? (…) Comment taxer, réguler l'acquisition d'un bien immobilier virtuel ? Etc etc... Le problème de l’anonymat, la propriété des données biométriques comportementales, le business du Direct-to-Avatar, les questions de propriété intellectuelle - comment s’y confronte actuellement Quentin Tarantino qui veut vendre sous forme de NFT des scènes coupés de Pulp Fiction, ce que les producteurs du film lui interdisent de faire-, posent de nombreuses questions aux gestionnaires. Quant aux philosophes, devant ce déluge d’opportunités pour sans cesse sortir de soi, ils sont en droit de se demander, après avoir lu ce petit traité : n’assiste-t-on pas là au dernier complot en date contre toute possibilité de vie intérieure ?
Publié le mercredi 26 avril 2023 . 4 min. 16
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