Dans le monde professionnel, il est crucial de concilier dynamiques de pouvoir et intérêts personnels, en alliant positionnement, convictions et ascension professionnelle avec des principes de bienveillance, tels que l’altruisme et la solidarité. Les travaux de Michel Callon et Bruno Latour sur la problématisation, l'intéressement, l'enrôlement et la mobilisation offrent une perspective innovante pour harmoniser ces dimensions. Pour illustrer concrètement cette démarche, prenons l'exemple de la mise en œuvre d'une nouvelle stratégie de développement durable au sein d'une grande entreprise. Cette démarche, inspirée des travaux de Callon et Latour, peut permettre de conjuguer harmonieusement controverses et collaboration, en assurant une transition fluide et efficace vers le changement.
1. Première étape : la problématisation, à savoir clarifier les enjeux communs
La première étape consiste à définir clairement les enjeux liés à la stratégie de développement durable. Par exemple, il s'agit de réduire l'empreinte carbone de l'entreprise tout en maintenant la rentabilité et la compétitivité. En réunissant les parties prenantes (direction, employés, fournisseurs, clients), il est en effet possible d’identifier les défis et les bénéfices communs : la responsabilité environnementale, l'amélioration de l'image de marque, et les économies à long terme grâce à l'efficacité énergétique. La clarification de ces enjeux crée dès lors un cadre, où la ferme nécessité de changement et la capacité à prendre en compte les préoccupations de chacun peuvent coexister.
2. Deuxième étape : l’intéressement, où il convient de créer des liens significatifs entre les parties, en montrant leurs intérêts respectifs à participer à la démarche
L'intéressement consiste à engager activement les acteurs en reliant leurs intérêts personnels aux objectifs de l'entreprise. Par exemple, les employés peuvent être motivés par des formations en développement durable qui augmentent leurs compétences et leur valeur sur le marché du travail. Les fournisseurs peuvent être encouragés par des contrats à long terme conditionnés à l'adoption de pratiques écologiques. En créant ces liens significatifs, chacun se sent ainsi valorisé et impliqué, favorisant une dynamique positive.
3. Troisième étape : l’enrôlement, où il s’agit d’organiser les rôles de chacun avec force et clarté
L'enrôlement est une étape cruciale où chaque rôle et responsabilité doit être défini avec précision pour garantir la réussite de la nouvelle stratégie de développement durable. Un comité de développement durable, composé de représentants de chaque département, pourrait ainsi être proposé, avec par exemple, un responsable des opérations écologiques qui pourrait superviser les pratiques durables, tandis qu'un gestionnaire des déchets et du recyclage développera des programmes de réduction des déchets. Un coordinateur des partenariats durables peut également être pressenti pour collaborer avec des fournisseurs respectueux de l'environnement, et un chef de projet pour les énergies Renouvelables pourrait gérer leur mise en place. De même, un directeur de la mobilité verte peut également être nommé pour réduire l'empreinte carbone des déplacements professionnels. Enfin, le respect des contraintes environnementales pourrait être assuré par un spécialiste en conformité et réglementation, tandis qu'un analyste de la performance environnementale serait chargé de suivre les indicateurs de performance.
4. Dernière étape : la mobilisation et l’adhésion, en vue de fédérer les acteurs autour d’une vision commune
La mobilisation vise ici à rassembler tous les acteurs autour d'une vision partagée de l'entreprise durable. Cela nécessite une communication transparente sur les progrès et les défis, ainsi que des actions symboliques fortes, comme l'inauguration d'installations écologiques ou la publication de rapports de durabilité. Des événements internes, tels que des ateliers et des séminaires, renforcent la culture de solidarité et d'engagement. La fermeté se manifeste dans l'engagement envers les objectifs de durabilité, tandis que l’ouverture se traduit ici par le soutien continu et la reconnaissance des efforts de chacun.
Mais pour réussir ces étapes, il est également important de créer des passages obligés et de faciliter la médiation et la compréhension mutuelle.
Le passage obligé, concept clé de Callon et Latour, désigne les étapes essentielles et incontournables que tous les acteurs doivent suivre pour atteindre les objectifs fixés. En entreprise, cela se traduit par des processus et pratiques bien définis qui garantissent la cohérence et la convergence des actions vers un même but. Dans notre exemple, les passages obligés pourraient inclure un audit environnemental initial ou la mise en œuvre de technologies vertes.
Autre notion importante dans les travaux de Callon et Latour : le rôle de traducteur. Il s’agit ici de faciliter la compréhension mutuelle entre les acteurs. En entreprise, cela peut être assuré par des leaders ou médiateurs qui interprètent et relaient les besoins et attentes de chaque partie, tels que les responsables de développement durable ; les ambassadeurs internes, à savoir des employés engagés et formés spécifiquement pour promouvoir les initiatives de durabilité, ou encore les consultants externes qui pourraient apporter une perspective indépendante et une expertise en développement durable.
Conclusion
En appliquant cette démarche inspirée des travaux de Callon et Latour, une entreprise peut alors naviguer efficacement entre fermeté et ouverture dans la mise en œuvre d'une stratégie de développement durable. La problématisation, l'intéressement, l'enrôlement et la mobilisation permettent ici de clarifier les enjeux, de créer des liens significatifs, de structurer les rôles avec clarté et de fédérer autour d'une vision commune, assurant ainsi une transition harmonieuse et efficace vers un changement durable.
Publié le lundi 18 novembre 2024 . 6 min. 34
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