Quand on s’intéresse à la transmission d’entreprises familiales, on a souvent tendance à réduire la succession à une simple transaction...alors que bien souvent les risques et les enjeux sont ailleurs.
C’est notamment le cas lorsqu’on aborde le comportement du dirigeant cédant dans le cadre de la transaction.
Ce qu’il faut bien comprendre ici, c’est que derrière l’opération, se joue autre chose qui peut conduire le dirigeant cédant à perturber le jeu des négociations et la réalisation effective de la transaction… en venant remettre à plus tard certaines actions afin de freiner le processus de succession.
En fait, plusieurs facteurs peuvent conduire cet acteur à adopter une attitude ambivalente et finalement l’amener à reporter l’acte de cession.
Le premier facteur concerne le risque pour le dirigeant de perdre une partie non négligeable de son pouvoir. En effet, transmettre son entreprise, c’est perdre un statut qui nous était attribué, basé sur une subordination juridique et des liens hiérarchiques que l’environnement social et familial avait admis et légitimé.
Une autre explication tient au risque de perdre son utilité économique et sociale. Transmettre son entreprise, c’est passer d’un rôle valorisant à une position d’effacement, où ses avis et conseils ont tout à coup moins de valeur. Le cédant n’est plus réellement perçu comme un acteur qui contribue au développement de sa société, mais plutôt comme un spectateur, au mieux comme un observateur. Admettre un successeur, c’est donc reconnaître que l’on n’est plus indispensable et qu’il existe un substitut naturel capable de mener à bien l’activité.
Troisième facteur : la perte de sens et de repères. Lorsqu’on dirige une entreprise, une grande partie de son temps et donc de sa vie est consacrée au développement et à la gestion de son entreprise. On vit très souvent avec et pour son entreprise. D’ailleurs, les relations avec les autres sont souvent organisées autour de l’entreprise. Or du jour au lendemain, tout prend fin. L’entreprise qui était une extension de soi-même n’est plus. On doit dès lors se réinventer, retrouver ses marques, chercher de nouveaux repères.
Enfin, le dirigeant cédant subit une modification profonde de ses habitudes. La décision de transmettre son entreprise marque donc une rupture qui peut être vécue par certains comme « l’achèvement d’une vie », la « fin d’une époque ».
Il peut donc arriver que le cédant ait la volonté plus ou moins affirmée de différer une action qui conduirait à s’interroger nécessairement sur « ce qu’on a fait » et sur « ce qu’on fera ».
Bien comprendre le contexte psychologique de l’opération permet par conséquent de mieux cerner les risques de la transmission, au-delà des aspects économiques et financiers.
Dès lors comment parvenir à ce que la transmission se fasse dans de bonnes conditions ?
La réponse est naturellement délicate. La reprise d’entreprise a fortiori dans un contexte familial peut difficilement être analysée comme une simple opération. La dimension psychologique est ici fondamentale. Il est par conséquent important que le repreneur, membre de la famille ou extérieur à celle-ci puisse :
1) Vérifier que le cédant soit prêt à céder son affaire, au-delà de toute considération stratégique et économique.
2) Montrer au cédant une certaine proximité dans la façon dont on perçoit le métier, afin d’éviter que la reprise soit synonyme de remise en cause personnelle ou professionnelle.
3) Eviter des changements trop radicaux en favorisant des ponts entre le présent et le futur. Plusieurs solutions sont possibles, comme le fait de recruter son prédécesseur ou d’identifier des acteurs-relais qui connaissent bien l’entreprise.
4) Enfin, montrer sa contribution spécifique, en proposant un dessein, une vision qui justifie sa présence et permette de mobiliser les équipes dans un horizon nouveau et stimulant, au-delà même de la question du transfert de propriété.
Publié le mardi 31 mai 2022 . 4 min. 50
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