C’est de l’écologie forcée et les entreprises de gestion des déchets n’ont plus le choix : soit elles se réinventent, soit elles disparaissent sous le poids des nouvelles régulations environnementales et des attentes croissantes de leurs clients. La directive CSRD pour Corporate Sustainability Reporting Directive impose désormais aux grandes entreprises une transparence totale sur leur impact carbone, y compris celui lié à leurs déchets. Dès lors, seules les entreprises capables de réduire drastiquement leur empreinte carbone pourront répondre aux nouvelles exigences et éviter une sanction implacable du marché. De leur côté, les municipalités prennent un virage écologique, obligeant les géants des déchets à accélérer. Cette transition écologique représente un défi d’une ampleur inédite pour un secteur, celui de la gestion des déchets, encore trop souvent englué dans ses méthodes obsolètes, selon une récente étude approfondie de Xerfi Intelligence Stratégique.
Finis donc les camions-poubelles diesel ! Aujourd’hui, les déchets sont majoritairement collectés par des camions-bennes diesel, véritables dinosaures d’un autre temps. La ville de Lyon a donné le ton : entre 25 et 50% des véhicules collecteurs devront être électriques d’ici 2031. Pour les entreprises de collecte, le choix est simple : investir massivement dans une flotte propre ou être écartées des appels d’offres publics. La technologie est là : bio-GNV, biodiesel, batteries électriques et hydrogène. Mais ces solutions sont coûteuses et encore insuffisamment matures. Les entreprises devront trouver un équilibre délicat entre innovation et rentabilité pour ne pas sacrifier leur compétitivité sur l’autel de la transition écologique.
Il faut aussi s’attendre à une irruption de l’intelligence artificielle dans le tri des déchets. Les centres de tri deviennent le champ de bataille de la gestion des déchets. La computer vision, cette technologie d’analyse d’images, est en train de bouleverser le secteur. L’exemple du robot Max IA de Veolia est édifiant : il effectue 1,5 fois plus de gestes de tri par heure qu’un humain. Fini les erreurs de tri et les pertes de matières recyclables. Les machines surpassent l’homme, et le secteur doit s’y préparer. Le groupe Brangeon ouvre la voie avec un site de tri unique en Europe, capable de récupérer 80% des déchets jusque-là enfouis. L’enjeu est clair : qui investira le mieux dans l’intelligence artificielle dominera le marché.
Mais il y a aussi l’impératif de mise en place d’une véritable économie circulaire. Face à l’épuisement des ressources et à l’instabilité géopolitique, le recyclage devient la nouvelle frontière. Les entreprises doivent investir dans des filières encore balbutiantes comme le recyclage chimique des plastiques ou la récupération des métaux stratégiques issus des déchets électroniques. Des projets d’envergure se multiplient : Eastman en Normandie, Suez en Moselle. Mais il faudra plus que des investissements sporadiques pour survivre. Seules les entreprises capables d’évoluer vers une valorisation maximale des déchets resteront pertinentes.
Le secteur des déchets n’est plus une simple industrie de service. Il devient un acteur clé de la transition écologique. Pour survivre, les gestionnaires de déchets doivent engager leur transformation numérique et leur diversification dans la valorisation. Les déchets, hier symbole de gaspillage, deviendront demain la matière première d’un capitalisme vert ou ne seront plus. L’enjeu est simple : recycler ou périr.
Publié le lundi 28 octobre 2024 . 4 min. 02
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de Philippe Gattet
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