Quand la technologie est source de rupture: Le cas des tests de grossesse.
On associe souvent technologie et rupture mais on imagine souvent mal les impacts d’une nouvelle technologie, en particulier économiques et sociétaux. Regardons cette question à partir d’un exemple simple, celui des tests de grossesse.
Savoir si une femme est enceinte est depuis longtemps une question importante pour l’humanité et de nombreuses techniques ont été développées pour y répondre. Dans les années 30, la connaissance des mécanismes hormonaux permet de développer un test qui consiste à injecter l’urine en sous-cutané à une souris femelle. Celle-ci est ensuite tuée et disséquée. Une ovulation indique la présence de l’hormone hCG ce qui signifie une grossesse.
Une amélioration est ensuite réalisée avec le test de Hogben qui s’applique lui sur… une grenouille, qu’il n’est en revanche pas nécessaire de tuer, progrès notable.
A partir des années 60, les progrès techniques permettent de passer aux tests in-vitro à partir d’un prélèvement. Celui-ci est fait par un médecin, et est envoyé à un laboratoire médical, autre innovation de cette période, qui effectue le test avec des machines spécialisées.
En 1978 est introduit le premier test individuel. Plus besoin ni de médecin, ni de laboratoire, les deux acteurs disparaissent, et le test est acheté en pharmacie, nouvel acteur qui apparaît. Aujourd’hui, ces tests sont achetés sur Internet, plus même besoin de pharmacien.
Cet exemple nous permet de définir ce qu’est la technologie: La technologie, c’est une connaissance accumulée sous forme utilisable par ceux qui ne possèdent pas cette connaissance.
La technologie encapsule cette connaissance dans des objets tangibles (test de grossesse, ordinateur, boussole) et intangibles (recettes de cuisine, algorithmes) qui permettent à ceux qui ne maîtrisent pas cette technologie de l’utiliser.
C’est là que se situe l’élément vraiment disruptif. Avec la technologie, les experts créent un objet qui permet de se passer d’eux. Avant le test individuel, il faut un médecin. Avec le test, plus besoin de médecin. On a donc une démocratisation progressive du domaine.
Cette démocratisation a deux dimensions : d’une part, une dimension sociale : pour un domaine donné, l’expert est de moins en moins nécessaire au fur et à mesure que l’on franchit les étapes de ce processus. Ce qui nécessitait l’intervention d’un spécialiste est peu à peu pris en charge par un médecin généraliste, puis par une infirmière ou un pharmacien, puis par l’individu lui-même.
On a d’autre part une dimension économique : c’est le passage à l’échelle. Des millions de tests peuvent être faits sans intervention de l’expert: une condition qui nécessitait une expertise humaine très importante et très chère, un médecin, un technicien de laboratoire et toute une batterie de technologies, est désormais traitée par un petit objet coûtant trois euros que la patiente peut utiliser seule.
Cette « démocratisation » du domaine fait naturellement l’objet d’une résistance, parfois féroce, de ceux qui maîtrisent chaque étape. Les médecins s’opposent ainsi férocement à l’auto-médication au nom de la sécurité.
En conclusion, la démocratisation de la technologie est inéluctable. Il est important d’en comprendre les mécanismes et les implications, notamment économiques et sociales. Cette compréhension peut être source d’inspiration pour les innovateurs qui pourront ainsi mieux anticiper l’évolution générale de leur environnement.
Publié le mercredi 18 mai 2016 . 4 min. 09
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