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Comment détruire une organisation en imposant de nouveaux processus

Publié le mercredi 21 juin 2023 . 4 min. 56

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C’était il y a plus de vingt ans. Je dirigeais alors une startup et l’un de mes clients était une grande entreprise qui avait un ambitieux projet de rupture. Ce projet avait démarré dans des conditions acrobatiques, sans structure, avec une petite équipe et un mandat simple : créer et lancer un service très novateur en quelques semaines. Un vrai défi mais le service fut lancé dans les temps et inauguré en grande pompe par le PDG. Puis sont arrivés les managers. Je me souviens en particulier de l’un d’eux, appelons-le Jean-François, qui a repris la direction de notre projet. Enfin pris, pas repris, car il n’y avait personne avant. Donc Jean-François me convoque un jour et m’explique que c’en est fini du chaos du projet. « Il faut mettre plus de process », me dit-il. Et de s’y appliquer, avec force Powerpoint, diagrammes, anglicismes, et feuilles Excel.

Et pourtant, après beaucoup de slides, beaucoup de réunions, et beaucoup de travail sur les process, Jean-François a disparu discrètement, moins de six mois après son arrivée, au grand soulagement de tous les acteurs du projet qui ont pu se remettre à travailler.

Jean-François était sincèrement convaincu qu’il allait apporter beaucoup au projet. Mais son problème était qu’il se trompait sur ce qu’est un processus. Il voyait l’organisation comme une mécanique qu’il faut bien concevoir et bien huiler. Il était obsédé par l’idée de simplifier, car la complexité leur répugne. Il y voyait du désordre et du gaspillage. Pour lui, un processus est comme une recette de cuisine. Or ce n’est pas du tout ça.

Dans l’histoire d’une organisation, les processus émergent comme une façon formalisée de résoudre les problèmes rencontrés. Cette formalisation permet à l’entreprise de grandir : les nouveaux employés n’ont plus à redécouvrir une solution par eux-mêmes ; ils appliquent les solutions trouvées par leurs prédécesseurs, dont le « savoir » est encapsulé dans ces processus.

Les processus, loin d’être des recettes abstraites et génériques, sont donc au contraire l’expression de l’identité de l’organisation et de ses modèles. Ils traduisent les choix qui ont été faits pour répondre de façon originale aux défis uniques qu’elle a rencontrés. C’est pour cela qu’un processus chez Peugeot n’a rien à voir avec un processus chez Tesla ou Renault, même si les trois fabriquent des voitures. Quand Jean-François arrive avec ses recettes de cuisine, il attaque frontalement cette identité, ce qui ne manque pas d’entraîner une réaction immunitaire. Étant attaqué, le système cherche à se protéger, et éjecte Jean-François. Du moins, il essaie.

Cela ne signifie pas qu’une organisation doive rester figée dans son modèle, ni qu’elle ne doive pas développer de formalisation de son fonctionnement. Cela signifie qu’un effort de formalisation, indispensable à la croissance, doit se faire en respectant l’identité de l’organisation. Or, il est caractéristique des Jean-François de ce monde qu’ils ne sont absolument pas intéressés par cet aspect. Ils veulent refonder le projet sur des bases nouvelles, et c’est leur plus grande erreur. Leur conception du processus a-historique, a-sociale, et simplifiante tend en effet à ne considérer que ce qui se voit et qui est mesurable. En somme, Jean-François nie la réalité pour plaquer sur elle un modèle abstrait, au lieu de partir de la réalité pour la faire évoluer. Il est toujours fascinant d’observer les Jean-François, et j’en ai vu un paquet dans ma vie : ils se voient comme des pragmatiques mais sont en fait dogmatiques. Si le système n’arrive pas à les éjecter, ils étouffent la capacité créative de l’organisation, et menacent donc son existence.

Préserver sa capacité créative tout en formalisant sa façon de travailler n’a rien de simple. C’est un peu la quête du Graal des organisations. La tension entre formalisation et créativité n’est jamais résolue ; elle est un exercice d’équilibriste toujours renouvelé. La seule façon de la rendre possible est de concevoir les processus à partir de l’identité de l’organisation, et non contre elle.


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