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Quand une nouvelle technologie N+1 est annoncée pour venir se substituer à la technologie jusqu’ici dominante N, il arrive que certaines des entreprises installées sur N choisissent de contrer N+1 en imitant quelques-unes des caractéristiques de N+1 pour les ajouter à N. Ainsi, par combinaison, on pourrait dire par hybridation, N progresse grâce à N+1 et propose ainsi certaines des fonctionnalités promises par N+1, ce qui revient à essayer de couper l’herbe sous le pied de l’assaillante. Convenons de désigner par N+1/2 cette technologie intermédiaire ou hybridée ou tout simplement hybride, qui transforme N grâce à N+1. Notons au passage que chronologiquement N+1 aura pointé le bout de son nez avant N+1/2 puisque N+1 contribue au développement technique de N, par apport (bien involontaire) de fonctionnalités nouvelles, imitées de N+1, le tout générant la technologie intermédiaire hybride : N+1/2.


Brice Dattée, mon collègue de l’EM Lyon, propose l’exemple du pneu à carcasse radiale de Michelin. Dans la carcasse radiale, les cordes de la carcasse sont perpendiculaires à la direction de rotation du pneu. L’innovation a apporté au produit et au client des avantages de performance (supériorité en confort, sécurité, moindre usure). Brice Dattée reprend des données de Donald Sull pour montrer comment cette innovation majeure des années 60 / début des années 70 se verra opposer une résistance farouche par ses concurrents, dont Goodyear, autour d’une version intermédiaire hybride. Cette technologie hybride prendra la forme d’un pneu à carcasse diagonale qui reprend la logique de la carcasse en dépôt de couches successives structurées autour de cordes mais conserve la logique jusque-là dominante, celle où les cordes de la structure du pneu sont placées en couches successives selon un angle oblique par rapport à la direction de rotation de la roue et du pneu. Au passage, les tenants de cette solution hybride, N+1/2, espéraient éviter de couteux investissements dans de nouvelles lignes de production.


Au final, malgré leurs efforts de communication, les Goodyear et autres Firestone ne pourront résister à la pression des constructeurs automobiles de Detroit qui leur imposeront la carcasse radiale, ce qui permettra à Michelin de consolider sa présence sur le marché américain pour des décennies.


Un autre exemple de technologie intermédiaire hybride N+1/2 est celui de l’arrivée de la 3G dans la téléphonie mobile en France à la fin des années 90. Bouygues n’ayant pas à l’époque les moyens d’investir dans un réseau 3G imagina de développer une technologie intermédiaire entre la 2G et la 3G, à savoir Edge, sorte de GPRS 2G, lui permettant de concourir sur le marché de la 3G sans avoir à consentir les investissements correspondants. Ce faisant, Bouygues aura essentiellement gagné du temps pour préparer la suite. Car la 3G a bien gagné la bataille de l’époque.


Un message essentiel est que la stratégie de recours à une N+1/2 hybride pour contrer N+1 en espérant sauver N est le plus souvent un mauvais calcul. N+1/2 va opérer comme de la chair à canon qui permettra au mieux de retarder l’arrivée de N+1 et donc essentiellement de gagner un peu de temps, mais plus rarement de sauver N.
Pourtant, une telle stratégie probablement condamnée à l’échec est actuellement poursuivie avec entêtement par une partie de l’industrie automobile allemande visiblement déboussolée par la révolution de l’électrique. Et c’est à un feuilleton à tiroirs auquel nous assistons.


Simplifions la situation : le moteur thermique (essence ou diesel) est la technologie N encore dominante. L’électrique (100% électrique) est en cours de déploiement et se substitue progressivement au thermique (malgré quelques aléas sur le marché) pour devenir la technologie dominante de demain (N+1). Entre les deux, des constructeurs ont choisi de proposer des véhicules combinant la motorisation thermique et une composante électrique (motorisation hybride, et hybride rechargeable) que j’appellerai N+1/2. Enfin, une technologie pour « après demain » pourrait être l’hydrogène (N+2), ce qui vient compliquer la donne.


Notons que les constructeurs automobiles auront longtemps traîné les pieds avant de se lancer sérieusement dans l’électrique. D’où l’offre en motorisation hybride qui littéralement passe par l’hybridation du thermique en lui rajoutant de l’électrique. Au motif affiché de permettre aux clients de s’accoutumer à l’électrique, l’électrique hybride aura permis aux constructeurs de gagner du temps. Carlos Tavarès, le président de Stellentis a très clairement résumé leurs réserves dans un entretien accordé au Monde : « L’électrique est le choix des gouvernements, pas des constructeurs ». Tout est dit. Et parmi ces constructeurs, il en est qui restent farouchement opposés à l’abandon du thermique. C’est le cas d’une bonne partie de l’industrie allemande très attachée à son leadership centré sur le marché des amateurs de « vroum-vroum » dans de confortables berlines.


Dans ce contexte, quand la commission de l’Union Européenne cherche à bannir les moteurs thermiques d’ici 2035, on s’active en Bavière et au Baden Wurtemberg pour imaginer une solution à même de sauver le business modèle de l’automobile allemande. Proposer des moteurs thermiques consommant du méthanol (CH4-OH), fabriqué sans émission de carbone (à l’exception du transport du méthanol ainsi que de la fabrication et de la fin de vie des moteurs). L’idée est d’aller profiter des vents quasi-permanents là où il en souffle, par exemple au sud du Chili, pour générer de l’électricité éolienne permettant ensuite une électrolyse de l’eau pour produire de l’Hydrogène décarboné qui recombiné à du CO2 permet d’obtenir du méthanol tout aussi décarboné. Et celui-ci sera à même d’être consommé dans les moteurs thermiques et accepté y compris dans le cœur des villes. CQFD. En fait, cette solution imaginative n’est autre qu’une technologie N+1/2 un peu particulière puisqu’elle combine N à N+2 (l’hydrogène). On pourrait nommer cette technologie N+3/2 car il y a ici deux hybridations emboitées. Sauf que le coût du méthanol produit et livré sera alors très élevé et ne pourra concerner que des classes aisées, celles qui peuvent se payer des berlines confortables et un e-carburant premium, futur sésame pour rouler « vroum-vroum » malin.


L’acceptabilité sociale et politique d’une telle technologie N+3/2 n’est donc pas gagnée d’avance. Aller financer des parcs éoliens dans un monde qui devra par ailleurs investir massivement dans les énergies renouvelables avec des problématiques de gestion de pics de demande et de coupures, oser légitimer un e-carburant pour contourner une interdiction au seul profit des clients aisés, même si le méthanol sera techniquement décarboné, il va falloir que le lobby de l’automobile allemande se lève de bonne heure pour le faire accepter par les politiques et par les populations.


Tout ça pour retarder ou tenter de retarder le passage à l’électrique, qu’il ait été provoqué par une demande marchande ou une demande sociale (sauver la planète) reprise par les politiques. Au total, cette voie N+3/2 du méthanol est probablement une fausse bonne idée. Sauf que, stratégiquement, cette solution permettra de mettre en place une filière hydrogène décarboné à même d’être utile si la technologie baptisée N+2 (celle de l’hydrogène) devait à son tour venir bousculer l’électrique.
Si c’est ça qui devait se dessiner derrière cette stratégie décarbonée, alors la honte se dissiperait pour laisse place à une stratégie assez bien vue.


Sait-on jamais. 


Publié le jeudi 27 février 2025 . 8 min. 23

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