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Le terme d’orchestration managériale est apparu il y a quelques années en management. Il trouve ses sources dans le monde des systèmes d’information avec l’idée de mettre en musique les work flows, les réseaux, les systèmes.


Par extension, le mot orchestration est apparu comme utile et pertinent en management pour désigner la stratégie (au sens de la mobilisation des ressources, des compétences, des actifs au service des objectifs retenus pour le collectif) ainsi que, pour ce faire, le déploiement et la mise en œuvre d’une organisation,  au sens d’une structure organisationnelle (qui fait quoi) et des processus organisationnels (comment on re-coordonne ce qui a été divisé en tâches pour obtenir un résultat plus global, construit en commun).


Ceci rejoint la définition que je retiens du management comme étant la conduite de l’action collective organisée. Ceci comprend quatre dimensions interdépendantes et complémentaires : choisir le cap (la stratégie), définir et déployer une structure et des processus (l’organisation), embarquer les équipes et les collaborateurs en leur donnant envie (la mobilisation), suivre et contrôler la trajectoire pour se recaler sur le cap en cas de dérive (le pilotage par ajustements).


En ce sens, l’orchestration managériale, avec la métaphore implicite manager - chef d’orchestre, relève de la stratégie, de l’organisation, de la mobilisation et du pilotage.


Néanmoins, cette perspective ne coule pas d’évidence.


Voici une illustration de cette difficulté. Il m’arrive d’évoquer le futur de l’industrie et l’enjeu de réindustrialiser des pays développés qui, comme la France, la Grande Bretagne ou les Etats Unis ont vu leur outil industriel fondre comme neige au soleil ces 50 dernières années. Je ne crois guère à une relocalisation des activités qui ont quitté nos territoires pour voguer vers des pays à bas coût de main d’œuvre. Le mal est fait. Il serait illusoire d’espérer un retour en arrière. Par contre, je suis convaincu que la transformation industrielle qui s’annonce, celle parfois désignée sous le vocable de l’industrie 4.0, va constituer une opportunité pour regagner des points de PIB industriel en surfant la vague des technologies et des innovations qui vont la structurer, ce que nos économies avancées, nos outils de formation et l’épaisseur de nos dispositifs de recherche publics et d’innovation devraient permettre de tourner à notre avantage.


Quand je parle de l’industrie du futur, je prends soin de dresser la liste des technologies qui sont susceptibles d’en constituer l’ossature. Nous connaissons les principales candidates pour apparaître sur la liste. Elles sont déjà là pour la plupart : impression 3D, machine learning et intelligence artificielle, robots et cobots, l’internet des objets et le machine to machine, la maintenance prédictive, le big data et le big analytics, l’image digitale et la virtualité augmentée, le smart manufacturing. En ce sens, elles ne seront pas particulièrement nouvelles. (Ce qui sera nouveau, avec une forte capacité de transformation, c’est l’augmentation des performances de ces technologies : capacités de stockage d’information, vitesse de traitement, capacités de calcul, vitesses de transmission en temps quasi-réel avec des largeurs de bande et des accessibilités considérablement augmentées, amélioration des interfaces hommes-machines, etc.).


Mais au-delà de ce volet technologique qui sera à l’évidence un pilier majeur de la transformation industrielle qui s’annonce, il y faudra aussi une mise en musique stratégique et organisationnelle : il y faudra aussi une orchestration managériale.
Or, je suis surpris de constater que bien souvent la simple évocation d’un besoin d’orchestration managériale laisse nombre de mes collègues technologues ébaubis. Visiblement, pour eux, l’industrie du futur passera par les seules technologies –et reconnaissons qu’ils ont de quoi s’occuper ! Mais dans le même temps, ils ne voient pas en quoi le management aurait à préparer et accompagner cette transformation.


Un exemple concret issu d’expérimentations de terrain dans un grand groupe multinational : le projet consistait à tester la faisabilité de suivre à distance des unités de production distribuées sur des continents de façon à mieux comparer les évolutions des équipements et de leur fonctionnement, voire à les piloter à distance, au moins en partie. Clairement, ceci passe par des questions techniques dont certaines sont pointues (captation des données, structuration, transmission, nettoyage, stockage, analyse, décisions relatives aux suites à donner, etc.). Mais il apparaît rapidement que d’autres problèmes émergent dont certains sont au moins aussi complexes, moins pour des raisons techniques ou scientifiques que pour des raisons humaines, sociales, comportementales, psychologiques, culturelles : les conditions de collaboration intersites et site-centre, les barrières linguistiques (souvent l’anglais n’y suffit pas), la confiance, la communication interne, le respect pour l’expérience des acteurs et la mémoire technique qu’ils ont de leur site, une défiance compréhensible face aux promesses (parfois sur-jouées ?) de l’Intelligence artificielle, etc. Ces enjeux nécessiteront d’être traités avec attention.


L’orchestration managériale ne saurait être perçue comme une tentative de prise de pouvoir par le champ du management sur des transformations futures. L’enjeu reste celui de combiner la technologie et le management stratégique pour penser les transformations à venir. Nous avons encore du chemin à faire pour progresser sur cette question.


Publié le vendredi 31 mai 2024 . 5 min. 39

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