1. Trop peu de femmes entrepreneures sont économiquement autonomes
Depuis 2001, on n’a jamais autant parlé d’entrepreneuriat féminin : Tous les ans, dans pratiquement toutes les villes de taille moyenne, on ne dénombre pas moins de 10 tables-rondes, émanant des institutions économiques (CCI), d’entreprises, des quelques 500 réseaux d’entrepreneuriat féminin identifiés en France ou même des étudiants de l’enseignement supérieur. Et tous les ans, on plaide pour la même cause, montrant que les femmes doivent oser entreprendre, réussir en entrepreneuriat…
Et pourtant, mais si l’on en croit les chiffres, on constate une réalité bien différente :
- En 2001, lorsque l’on commence vraiment en France à s’intéresser à l’entrepreneuriat féminin, environ 25 % des entreprises de toute taille en France sont dirigées par des femmes
- En 2019, Infogreffes estime que 27,2 % des entreprises sont dirigées par des dirigeantes. Ce chiffre inclut l’auto-entrepreneuriat mais pas les professions libérales, donc peut-être légèrement re-évalué.
- En 2020, la Chaire FERE et Bouge ta Boite montrent que la plupart des femmes dirigeantes créent des entreprises unisalariées et les créatrices ont des revenus inférieurs à 1 500 euros, ce qui, charges déduites, conduit la créatrice à engranger un revenu mensuel de 1000 euros maximum, donc un taux horaire de moins de 7 euros !!!
Si les femmes qui créent se déclarent heureuses de leur démarche, on est loin de l’émancipation économique de la femme par l’entrepreneuriat !!! Sans le soutien de la société et du conjoint, bon nombre de femmes entrepreneurs ne sont pas autonomes sur un plan économique.
2. La société française est encore très genrées et les femmes ont intégré cette dimension dans leur démarche d’émancipation
Plusieurs aspects peuvent expliquer ce phénomène :
Tout d’abord, l’étude bouge ta boite de 2020 montre que 70% des femmes ont créé leur entreprise sans formation et celles qui se sont formées ont investi dans une formation d’expertise – le métier de la RSE par exemple – mais rien ou très peu de choses sur la démarche de l’entrepreneuriat. Tout au mieux, 15 femmes qui composent l’échantillon utilisé pour l’étude (700 femmes) ont suivi les 3 jours de formation à la création d’entreprise proposée par les chambres de commerce et d’industrie.
Le manque de formation à la création d’entreprise et à la croissance d’une activité pourrait être une première explication.
Le choix du métier de l’entreprise pourrait en être une autre : Les femmes dirigeantes sont sur des activités du « care », du soin : à la personne, à l’entreprise, à la société avec des modèles économiques très traditionnels. C’est bien, sauf que ces activités sont hyper concurrentielles !
Enfin, une dernière explication est plus d’ordre sociologique : la pression interiorisée de la société et de ce que l’on attend des femmes. Les femmes créent surtout soit après une maternité, soit un début de carrière prometteur. Le plafond de verre ou la maternité les invitent à devenir créatrice d’entreprise et à prendre leur indépendance sur des sujets qui font sens pour elles et qui sont, in fine, encore très genrés : l’intérêt pour les autres. Couplé à la tendance sociétale de créer son propre emploi, l’entrepreneuriat féminin actuel serait symptomatique d’une société qui est encore profondément genrée : où la place de la femme dans l’économie familiale est encore subalterne mais où l’émancipation de cette dernière est possible mais pas encore sur le plan financier.
3. Donc quelles solutions sont possibles ?
Les solutions actuellement travaillées, en particulier celles exposées dans La loi sur l’émancipation économique de la femme et qui sont passée au 2nd plan avec la crise sanitaire reposent sur le fait que les femmes veulent mais ne peuvent pas créer des entreprises qui les fassent vivre : la maternité les en empêche, etc : La thèse que nous défendons que c’est partiellement vrai : bon nombre de femmes entrepreneurs, aidés par les allocations chômages, une reorganisation des dépenses familiales, choisissent elles-mêmes de s’émanciper par la création de leur propre emploi dans des secteurs d’activités surchargés.
Promouvoir l’émancipation économique des femmes par l’entrepreneuriat invite donc à opter pour des solutions endogènes et changer les gouts des femmes pour des activités qu’elles aiment mais avec des modèles économiques différents ou des activités qu’elles aiment mais encore peu explorées : la transition énergétique, l’intelligence artificielle, la santé connectée, secteurs qui impliquent des créations d’emplois.
Explorer cette voie implique de mettre l’accent sur la formation au goût pour ces nouvelles activités, au gout pour le « care » par la création d’emplois directs, avant de former au gout pour l’entrepreneuriat.
Publié le lundi 8 mars 2021 . 5 min. 49
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