Cela a l’apparence d’un paradoxe : retour en force de l’inflation d’un côté et, de l’autre, guerre des prix généralisée dans les rayons et mise sous pression par les services achats des fournisseurs, industriels comme entreprises des services.
À 2,8%, la hausse des prix à la consommation est pourtant bien à un pic depuis 2008. Elle atteint même 3,4% selon l’IPCH, l’indice qui sert de base de comparaison au niveau européen, un écart qui s’explique par le poids plus élevé de l’énergie dans cet indicateur. Au cœur de l’augmentation, le prix de l’énergie justement. Sa flambée de près de 20% sur l’année a dépassé ses anciens records et contribue à elle seule à la moitié de l’inflation. Une hausse d’autant plus mal vécue que les ménages n’ont aucune prise sur ce poste à moins d’arrêter de se chauffer, de tout débrancher ou de cesser tout déplacement motorisé. Selon les calculs de l’Insee, les dépenses mensuelles d’énergie ont augmenté de 64 euros en moyenne par ménage en octobre 2021 par rapport à décembre 2020. Sur une année, la facture s’élève donc à plusieurs centaines d’euros qu’il faut bien récupérer ailleurs.
Le poste alimentaire sous pressions
La pression est donc mise sur les autres composants de la consommation. Et pour être efficace, il faut s’attaquer aux plus gros postes.
L’alimentaire est en première ligne. La chasse aux petits prix est ouverte et l’avantage va à ceux qui bénéficient d’une bonne image-prix. Avec Leclerc, ce sont les deux discounters allemands Aldi (qui a intégré fin 2021 443 Leader Price) et Lidl qui ont le mieux tirer leur épingle du jeu. Ils pèsent désormais près de 10% de la distribution alimentaire française et la pression mise sur les autres circuits de distribution ne va pas aller en diminuant compte tenu du rythme d’ouverture de nouveaux magasins et de l’arrivée de Mere, enseigne venue de Russie, qui promet aux consommateurs des produits 15 à 20% moins chers que les autres discounters. Au moment où le round annuel de négociation s’ouvre entre les industriels et la grande distribution, la quête de la palme du prix bas ne peut que se terminer par une pression accrue sur les fournisseurs. D’ailleurs, malgré la flambée des cours des matières premières agricoles avec des pointes à plus de 60% au printemps dernier, la hausse des prix de l’alimentaire (hors produit frais) a tout juste atteint 1% en fin d’année en moyenne et seulement 0,6% en grande distribution. Certes, la transmission entre coût des matières et prix n’est pas immédiate, mais la pression du consommateur est telle que cela n’ira pas beaucoup plus haut.
L’habillement, l’équipement du logement, rien n’échappe à cette nouvelle guerre des prix alimentée aussi par le commerce en ligne. De proche en proche, c’est tout le tissu économique qui est entré dans la bataille en France comme à l’étranger. La raison en est simple. Comme les surchauffes récurrentes des prix des matières premières ne peuvent que très partiellement être répercutées, la hausse des prix des consommations intermédiaires est convertie en pressions baissières sur les autres postes de dépense des entreprises :
- sur la masse salariale, via les salaires, notamment la composante la plus variable ;
- sur les sous-traitants en amont de la filière, notamment les entreprises de service BtoB qui elles même mettent la pression sur leurs propres fournisseurs.
Dans le B2B, les prix sont bloqués
Les prix de transaction, hors TVA, des prestations de services vendues par les entreprises aux entreprises (le BtoB) ne montrent ainsi aucune dérive. Dans l’information-communication, l’évolution des prix sur un an est figée et reste nettement inférieure à 1% dans les services informatiques (programmation, conseil et gestion d’installation). Dans les services spécialisés (qui rassemblent notamment les activités comptables, juridiques, le conseil, etc.) et les services de soutien (type services de nettoyage, centre d’appel, agence d’intérim), le compteur reste bloqué en dessous de 1% également.
Il n’y a guère que dans le bâtiment que la hausse des prix semble prendre corps. L’indice du coût à la construction qui permet de surveiller l’évolution des prix dans le neuf s’approche ainsi de 7%. Il faut remonter en 2012 pour trouver trace d’un niveau comparable. Dans les travaux d’entretien-amélioration, la poussée est moins puissante, mais à 4,5%, l’évolution des prix s’écarte nettement de sa tendance moyenne. En face, cependant, il y a l’envolée des carburants très sensible pour le neuf, secteur très énergivore, mais aussi la flambée des coûts des matériaux. Que ce soit pour la construction neuve ou la rénovation, la pression n’a jamais été aussi forte dans des professions où la concurrence est très rude.
Inflation et guerre des prix ne font pas bon ménage. Entre les deux, ce sont les marges qui trinquent. Et c’est bien ce qui est en train de se passer.
Publié le mardi 25 janvier 2022 . 4 min. 14
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