Et revoilà le Japon. Un peu vite condamnée, au mieux à une croissance molle, au pire à la stagnation perpétuelle, la 3è économie mondiale surprend pas sa nouvelle vigueur : la croissance est installée depuis six trimestres maintenant et la cadence s’accélère, pour s’approcher de 2,5% en annualisée. Il s’agit, ni plus ni moins, de la plus longue période d’expansion de l’Archipel depuis celle connue ente début 2005 et la mi-2006.
La politique monétaire a redonné du souffle aux exportations
Ce retour du Japon, c’est d’abord celui de son industrie manufacturière. Troisième puissance industrielle mondiale derrière la Chine et les Etats-Unis en termes de richesse créée, le Japon est sur le point d’effacer les conséquences à la fois de la plus grande récession depuis la 2ème guerre mondiale, et de Fukushima.
Une première conclusion s’impose : l’échec des Abenomics, ce mix de politique budgétaire, monétaire et de réformes structurelles mené par le premier ministre Shinzo Abe depuis décembre 2012, a été un peu trop vite annoncé.
D’abord, la politique monétaire ultra-agressive de la Banque du Japon a permis au yen de devenir plus compétitif. En taux de change effectif réel (qui pondère l’ensemble des devises avec lesquelles le Japon commerce, ainsi que les évolutions différenciées d’inflation, puisque moins d’inflation accroît la compétitivité d’une devise), le yen s’est apprécié de 42% entre l’été 2007 et l’été 2012. Autant dire qu’avec une telle flambée, exporter devenait mission impossible et délocaliser en périphérie, dans les pays à bas coût, une priorité.
Cinq ans après les Abenomics, le taux de change réel effectif a plongé de 25%, donnant une véritable bouffée d’oxygène aux industriels nippons. Ils ont regagné des parts de marché et pu valoriser le dynamisme de leurs principaux débouchés. Le commerce extérieur a ainsi servi d’amorce au redécollage de l’économie, en contribuant de façon décisive à la croissance du pays alors qu’il en était un boulet jusqu’en 2013.
La relance budgétaire et la consommation font tourner le moteur
Autre détonateur, dans la pure tradition japonaise, une relance budgétaire de grande ampleur avec une succession de mégas plans d’investissements, notamment dans les infrastructures. Cette offensive est perceptible dans l’évolution des chiffres de la filière construction, dont l’activité en volume est désormais nettement en hausse.
Outre les impulsions monétaire et budgétaire, il faut qu'en bout de course les ménages prennent le relais. C'est chose faite. Avec l’accélération de l’activité, plus de 3 millions de postes ont été créés depuis 2013. C'est moins évident pour les salaires - les hausses restant bloquées à environ 0,5% en rythme annuel -, mais suffisant pour relancer la consommation et jouer sur ce nouveau moteur de croissance.
La dette n'est pas un problème
La consommation avait été bridée en avril 2014 par la hausse de 5 à 8% du taux de TVA, et c’est bien pourquoi le gouvernement a préféré différer à la fin 2019 l’augmentation de la taxe sur la consommation initialement prévue en avril 2017. Pour un pays où la dette va frôler les 240% du PIB, on pourrait être tenté de parler d’irresponsabilité fiscale. Mais c’est oublier que cette dette est détenue à 93% par les Japonais eux-mêmes. Le Japon est par conséquent à l’abri du scénario catastrophe dans lequel les investisseurs étrangers, inquiets de la capacité de rembourser du pays, fuiraient.
La dette n’est pas un problème et la priorité est bien de sortir de la spirale déflationniste pour durablement dépasser les 2% d’inflation. Et il reste encore du chemin. Audacieux, téméraires ou insensés, les Abenomics ont le mérite de donner une leçon de volontarisme.
Alexandre Mirlicourtois, Le rebond puissant du Japon : une leçon de volontarisme, une vidéo Xerfi Canal Economie.
Publié le mercredi 11 octobre 2017 . 4 min. 20
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