Les causes de la chute de la productivité du travail en France restent mal identifiées. Cette perte d’efficacité du travail n’est certes pas un problème exclusivement franco-français, la productivité en zone euro connaît aussi une inflexion, mais elle est plus brutale en France qu’ailleurs.
L’impact des aides d’urgence : la « zombification » économique
La France, comme de nombreux pays européens, affronte des vents contraires. Il y a d'abord un effet de structure lié à la nouvelle accélération de la baisse de la part de l’emploi industriel dans l’emploi total et l’augmentation concomitante de celle des services peu sophistiqués (distribution, transports, hébergement-restauration, loisirs, services aux ménages) dont la productivité est structurellement plus faible.
Autre explication : la « zombification », au moins temporaire, des économies. Les aides de toutes sortes déployées pendant et juste après la crise sanitaire ont eu un effet négatif sur la productivité en stoppant les défaillances d’entreprises sous-productives et les emplois liés.
Les difficultés de recrutement se sont également accentuées après la crise et se maintiennent à un niveau élevé, particulièrement dans l’industrie et la construction. En cas de sous-activité, les chefs d’entreprise préfèrent maintenir leurs salariés en place plutôt que de les licencier, au risque sinon de ne pas retrouver le même profil. Faute de postulants, les employeurs sont contraints d’accepter des candidats correspondant partiellement aux postes recherchés, donc moins productifs. De manière plus générale, le retour sur le marché du travail de salariés peu qualifiés a pesé sur la productivité.
Autre hypothèse, le vieillissement de la population active. L’âge moyen de la population en âge de travailler dépasse désormais 43 ans dans la zone euro et 42 ans et demi en France. Si la controverse anime toujours la littérature sur le lien entre productivité et âge, un consensus semble se dessiner. Il est résumé dans une note de l’OFCE de 2015. Sur les 48 études empiriques alors compilées, la moitié mettait en évidence une relation en U inversé, 25% des modèles concluaient sur une relation concave croissante, et seulement 25% ne détectaient pas de relations significatives.
À la recherche des spécificités françaises
Tous ces éléments jouent sur la productivité française, mais partagés avec les autres pays européens, ils ne peuvent expliquer pourquoi la France décroche plus que les autres. Trois pistes principales peuvent être évoquées :
1. La première est l’explosion de l’alternance. Encouragé par le gouvernement, l’apprentissage connaît un succès historique et le nombre d’alternants est passé de 650 000 à plus de 1 million en 4 ans.
2. Deuxième spécificité française : la forte augmentation du taux d’absentéisme, conséquence de l’explosion des arrêts maladie, notamment de courtes durées.
3. Enfin, pendant la crise de la Covid, nombre de chefs d’entreprise auraient déclaré des salariés qui travaillaient pour eux au noir pour pouvoir bénéficier du chômage partiel.
La baisse de productivité en France est complexe et multifactorielle. Son explication ressemble plus à un inventaire à la Prévert qu’à une démonstration rigoureuse. Mais une chose est sûre : c’est une menace pour la croissance future et pour l’équilibre des comptes publics.
Publié le jeudi 05 octobre 2023 . 3 min. 57
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