Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
"Il y a d'abord les nombreux couacs de la croissance au 1er trimestre avec des PIB en baisse aux Pays-Bas de -1,4%, au Portugal (-0,7%) en passant par l'Italie (-0,1%) jusqu'à la France qui est à l'arrêt. Résultat, la zone euro est restée bloquée à 0,2% au 1er trimestre et le bilan peut se résumer ainsi : c'est moins bon que prévu. Il y a ensuite, les indicateurs conjoncturels qui prennent mauvaise tournure. Du côté de l'activité, les derniers chiffres montrent, un recul de 0,3% de la production manufacturière en mars par rapport à février et une chute de 0,6% de l'activité dans la construction. Un repli général avec du côté de l'industrie le « 5 majeur » dans le rouge (c'est-à-dire l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne et les Pays-Bas) et du côté de la construction 3 sur 5, l'Espagne et l'Italie faisant exception. Quant au rebond des ventes de détail de 0,3%, il faut en limiter la portée :
1- Parce qu'il porte uniquement sur la partie alimentaire.
2- Parce que, la France, seule, soutient le mouvement. Cela renvoie l'image d'une économie eurolandaise qui a calé à la fin du 1er trimestre et qui démarre le 2nd avec un handicap. Il y a enfin, les indicateurs avancés.
En Allemagne, l'indice Ifo dans sa composante la plus large (c'est-à-dire celle qui intègre le secteur manufacturier, la construction et la distribution) marque des signes de faiblesse : en mai dernier, la composante « sentiment actuel » qui donne le pouls de l'activité à court terme a reculé. Plus inquiétant, la composante perspective, qui donne un éclairage sur les 6 mois à venir, est plus mal orientée encore. Cette inquiétude grandissante des chefs d'entreprise est partagée par les investisseurs et analystes allemands L'indice ZEW a décroché en mai, et revient à son niveau de début 2013. L'Allemagne, dont la performance a été déterminante pour éviter à la zone euro de basculer dans le rouge au 1er trimestre, est en perte de vitesse. Et ce n'est pas la France dont le climat des affaires reste bloqué à 5 points environ de sa moyenne de long terme qui va prendre le relais. Or il est difficile d'imaginer comment la zone euro peut accélérer sans le soutien de l'Allemagne et de la France qui représentent 51% du PIB de l'ensemble. Difficile d'imaginer, aussi, comment la zone euro peut accélérer en restant corsetée par des règles budgétaires qui ont mis en panne la part la plus importante du PIB, la demande domestique. Zone d'excédent record avec près de 250 milliards d'euros accumulés sur les 12 derniers mois à la fin mars, la zone euro est devenue une zone dépressionnaire pour le reste du monde. Elle ne freine pas seulement sa propre reprise, elle fragilise aussi la reprise de l'économie mondiale ce qui tôt ou tard aura un effet boomerang sur ses excédents, ce qui tôt ou tard, finira par agacer le reste du monde. Les mesures énergiques prises par la BCE devraient permettre de ramener l'euro à un niveau plus convenable. Ce n'est pas tant l'impact sur les exports qu'il va falloir surveiller, mais bien plus si cette bouffée d'oxygène va permettre aux entreprises exportatrices françaises, italiennes ou espagnoles de sauvegarder leurs marges, de ne pas sacrifier leurs investissements de long terme et de s'éloigner du piège de la déflation. Mais cela ne sera pas suffisant. Le trou d'air européen nous rappelle que l'Europe n'est pas armée pour digérer la rigueur française. Il ne faut pas se leurrer. L'emballement médiatique autour des arbitrages de la BCE ne doit pas faire oublier que le salut européen ne pourra venir que des salaires allemands.
Alexandre Mirlicourtois, Zone euro : trou d'air ou rechute ?, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 10 juin 2014 . 4 min. 18
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