Construction bois : le changement d'échelle tant espéré s'annonce difficile

La construction bois va-t-elle un jour sortir de sa niche ? Alors qu'elle peine à percer avec une part de marché scotché autour de 5%, plusieurs signaux positifs apparaissent à long terme. Citons d’abord la prise en compte croissante de la valeur verte des bâtiments par les investisseurs et les professionnels de l’immobilier et, dans la même veine, des consommateurs à la fibre écologique plus aiguisée qu’autrefois. Citons également l'entrée en vigueur de la RE 2020. Une réglementation qui va généraliser les bâtiments à énergie positive, favorisant les matériaux biosourcés comme le bois. L’État et les entreprises de la filière ont aussi pris des engagements financiers pour desserrer les contraintes qui pèsent sur la filière bois en amont avec un programme d’investissement de 200 M€ dans le cadre du plan de relance. Un programme qui doit renforcer le lien entre l’amont et l’aval de la filière. Actuellement, faute d’une industrialisation suffisamment développée, seul 63% du bois utilisé dans la construction provient de forêts françaises.

L’autre grande fragilité du secteur, c’est la trop faible taille des entreprises en aval. En effet, la plupart des constructeurs bois sont des structures artisanales au rayonnement local ou régional. Les grandes entreprises du BTP ou de l’immobilier, qui auraient les capacités à structurer cette filière, demeurent encore discrètes. On note tout de même la présence de promoteurs immobiliers comme Nexity avec ses filiales Ywood et Térénéo. Les constructeurs de maisons individuelles généralistes y sont également présents via des filiales ou enseignes spécialisées. C’est le cas des leaders Hexaôm (avec ses Maisons de l’Avenir), du groupe AST (avec Natilia) ou encore de Trecobat (avec Trecobois). Les géants de BTP s’activent également à l’image de Vinci avec Arbonis ou d’Eiffage Construction Bois. De son côté, Bouygues, après avoir cédé Ossabois en 2018, a réaffirmé son engagement dans le secteur avec la démarche WeWood lancée en octobre 2020 et qui vise à atteindre 30% de projets en bois réalisés par le groupe d’ici 2030.

Pour changer d’échelle et s’inscrire définitivement dans les habitudes françaises de construction, la profession cherche à améliorer la compétitivité du bois. Et d’abord la compétitivité-prix en investissant massivement dans l’outil de production afin de l’automatiser, l’agrandir ou l’optimiser pour réaliser des économies d’échelle et réduire les coûts. Les acteurs travaillent aussi dans la compétitivité hors prix. Par exemple, ils misent sur l’obtention de labels et la réalisation de projets emblématiques, y compris dans les immeubles collectifs ou tertiaires pour démontrer la qualité et la faisabilité de leur offre. Pour effacer l’image « rustique » du bois, les constructeurs bois intègrent aussi de plus en plus de technologies au sein de leurs bâtiments. Ils mixent également le bois avec d’autres matériaux.

Ces investissements et les signaux positifs à long terme ne doivent pas faire oublier que les vents contraires s’accumulent pour le secteur. Selon l’étude Xerfi-Precepta, le chiffre d’affaires des spécialistes du bois est déjà tombé à moins de 1,7 Md€ en 2020, en baisse de 200 M€ en deux ans. On comprend alors que la chute des permis de construire et les incertitudes économiques vont inévitablement compliquer l’équation économique des spécialistes de la construction bois à court terme.