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Vidéo réalisée en partenariat avec le Printemps de l’économie 2022 « Sobriété : l’essence de demain ? »

L’inflation est de retour ! La poussée inflationniste en Europe et dans le monde a surpris par sa brutalité, son ampleur et surtout sa persistance. Face à un transitoire qui dure, la Banque centrale européenne, garante de la stabilité des prix à moyen terme, n’a eu d’autres choix que de muscler son discours et d’ériger la lutte contre l’inflation au rang de ses priorités.


De prime abord, la BCE fait face à un dilemme « classique » entre inflation et croissance. Sauf que l’inflation en zone euro n’est pas due à une surchauffe de la demande comme aux États-Unis. Elle est certes en partie le fruit de la désorganisation des chaînes d’approvisionnement et de logistique mondiales suite au rebond post-Covid, mais la reprise de la demande en Europe s’est faite sans excès avec des niveaux de consommation qui n’ont pas, dans la plupart des États-membres, retrouvé ceux d’avant la pandémie. C’est surtout après le déclenchement de la guerre en Ukraine que l’inflation a accéléré. L’Europe, grande consommatrice de gaz et de pétrole russes, mais aussi de matières premières agricoles exportées par les pays belligérants, a subi de plein fouet un choc d’offre avec une flambée des prix de l’énergie et de l’alimentaire à diffusion lente. La BCE étant impuissante à desserrer les contraintes d’offre ou à agir sur les cours mondiaux des matières premières, casser la croissance ne suffira probablement pas à faire disparaître l’empreinte inflationniste faisant poindre un risque de stagflation. Une politique monétaire trop stricte n’apparaît donc pas le bon outil pour lutter contre une inflation largement imputable aux dysfonctionnements actuels du marché de l’énergie ; l’envolée du prix du gaz pousse en effet mécaniquement à la hausse le prix de gros de l’électricité qui est fixé selon la logique d’ordre du mérite, la centrale la plus chère, souvent à gaz, appelée à équilibrer le système faisant le prix de marché.


À court terme, il faut à la fois miser sur la sobriété énergétique, réfléchir à des solutions techniques pour réduire le prix d’équilibre de l’électricité sur le marché de gros tout en protégeant dans l’intervalle les ménages et les entreprises les plus vulnérables. À plus long terme, la seule option est d’investir massivement dans des énergies décarbonées, ce qui, avec la fin annoncée des combustibles fossiles, va immanquablement faire grimper les prix de l’énergie mais aussi de toutes les matières premières nécessaires à la décarbonation des procédés industriels et des usages. Cette déformation des prix relatifs pourrait hisser l’inflation à des niveaux supérieurs à la cible des 2%, de quoi raviver un dilemme entre inflation et croissance vertes. Soit, la BCE maintient un biais durablement restrictif en suivant scrupuleusement son mandat d’ancrage nominal, soit elle tolère une inflation plus élevée et privilégie le soutien à la croissance et à l’investissement, soit elle dédie les taux d’intérêt à la lutte contre l’inflation et utilise une politique de rachats d’actifs réaménagée pour accompagner la transition climatique.


Enfin, à trop vouloir charger la BCE, on risque de rapidement faire face à un dilemme entre stabilité monétaire et stabilité financière dans un contexte d’endettement mondial record et de valorisations excessives des marchés. Si la première erreur a été de maintenir des politiques monétaires trop accommodantes pendant trop longtemps, la seconde serait de retirer la perfusion monétaire de manière trop rapide et brutale, de quoi précipiter des débouclages désordonnés aux accents déflationnistes. 


Publié le mercredi 19 octobre 2022 . 4 min. 04

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