Le libéralisme est « un produit d’exportation américain » peu ou très peu destiné au marché domestique étasunien. Que ce soit sous Trump d’abord, sous Biden ensuite, la position du gouvernement américain a clairement dévié vers plus de protectionnisme. Deux grands types de stratégies sont déployés. La première consiste à jouer massivement sur les droits de douane en ciblant un pays (ou un groupe de pays) et une sélection de produits.
La Chine dans le viseur
La Chine est clairement dans le viseur d’autant qu’elle est devenue un enjeu électoral. C’est dans ce contexte qu’il faut placer la décision de l’administration Biden de frapper fort sur les produits les plus emblématiques de l’appareil de production chinois : véhicules électriques, panneaux solaires, batteries, acier et aluminium, la liste n’est pas exhaustive. Ces mesures viennent s’ajouter à une liste déjà longue de barrières tarifaires depuis le déclenchement de la guerre commerciale en 2018. Si l’Europe est actuellement un peu moins dans la ligne de mire, elle l’est aussi régulièrement.
Renforcer la compétitivité américaine
Le second axe de la stratégie américaine consiste à renforcer la compétitivité du territoire américain quitte à tordre le cou à certaines règles concurrentielles voire des traités signés. C’est le cas, parmi d’autres, de l’Inflation Reduction Act, l’IRA adoptée le 16 août 2022. L’octroi d’importantes subventions, des crédits d’impôts est assorti pour les entreprises comme pour les ménages d’une contrepartie : l’obligation de production locale et/ou de contenu local des biens utilisés dans leur production.
La riposte chinoise : délocaliser les dernières étapes de production
L’impact pour le reste du monde de ces choix américains est de deux ordres. Il y a d’abord l’onde de choc des réactions des entreprises chinoises face aux sanctions prises par l’Oncle Sam. La première riposte est celle du contournement. Il ne s’agit pas de contrebande, mais bien d’installer des sites de production à travers la délocalisation des dernières étapes de production de biens destinés au marché nord-américain dans des pays tiers. Des plateformes d’assemblage plutôt que de véritables sites de production pour contourner les droits de douane et restrictions mises en place. Le Vietnam en profite et le Mexique plus encore qui bénéficie de sa participation à l’Alena, l’accord de libre-échange nord-américain. Cela se voit à travers une double explosion : celle des investissements directs des entreprises chinoises vers ces deux pays cibles ; combinée à celle des flux de marchandises, dans le sens d’une flambée des exportations chinoises qui prennent la direction du Mexique et du Vietnam et de la place de plus en plus importante prise par les produits mexicains et vietnamiens dans les importations américaines.
La Chine diversifie ses marchés
La riposte des industriels chinois ne s’arrête pas là. Elle passe par l’accélération de ses échanges avec la Russie et autres pays du « Sud Global » ainsi que par une vaste offensive en direction des pays européens pour écouler une partie de leur offre à prix cassés, une production devenue impossible à vendre aux États-Unis. C’est un signe, la part de la Chine dans les importations européennes accélère à nouveau et se situe au-dessus de son niveau d’avant la crise sanitaire. Des filières sont déstabilisées, notamment celles en liaison avec la transition énergétique.
Menace sur l’industrie européenne
La seconde onde de choc est liée à la politique de réindustrialisation américaine dont l’IRA est le symbole. L’objectif est très clair : siphonner les investissements directs étrangers. Ce mauvais coup, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase en Europe car elle s’ajoute à d’autres facteurs déjà pénalisants comme le différentiel du coût de l’énergie. Les Européens sont aux premières loges, l’Allemagne notamment. Jusqu’à 43 % des grandes entreprises du secteur industriel allemand (500 salariés ou plus) envisagent ou sont dans le processus de délocaliser leur production, selon un rapport des chambres de commerce et de l’industrie allemande de la fin 2023. L’étude montre également que plus de 48% des industries intensives en énergie ont reporté leur investissement. En d’autres termes, il existe un réel risque de fermeture rapide et définitive de capacités industrielles. Bref, c’est l’Europe qui est le dindon de la farce de la montée du protectionnisme aux États-Unis.
Publié le jeudi 6 juin 2024 . 4 min. 18
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