Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste-essayiste.
L’industrie et le logement sont au cœur de la campagne électorale. Tous les candidats — à commencer par les deux principaux — multiplient les visites symboliques, les propositions, pour vanter les mérites du made in France, pour promettre le sauvetage des sites industriels menacés. Tous affirment, par ailleurs, qu’ils vont faire du logement une de leurs priorités. Et de multiplier, là aussi, les propositions, plus ou moins réalistes.
Mieux vaut tard que jamais ! Pourtant, nos candidats se gardent bien de s’attaquer au cœur du problème : celui de la structure du gouvernement, celui des centres de pouvoir, au sein de l’appareil d’Etat.
Depuis une quinzaine d’années, l’industrie comme le logement, mais aussi le commerce extérieur, l’énergie, les PME, sont passés au second rang, voir au troisième, dans la hiérarchie gouvernementale. Quand ils n’étaient pas tout simplement oubliés.
Tout commence, en 1997, avec Lionel Jospin et le regroupement à Bercy du ministère de l’Industrie avec celui de l’Économie et des Finances. Avec un super-ministre : Dominique Strauss-Kahn. Bercy, c’est cette forteresse, ce paquebot néostalinien, où règne la crème des crèmes : je veux parler des hauts fonctionnaires des Finances. Le ministère de l’Industrie, comme les grandes directions de l’énergie ou du commerce extérieur, passent dès lors sous la dépendance de l’Économie, du Trésor. Tout naturellement, les priorités changent.
Fini l’Industrie, vive les Services et la Finance ! Les déficits extérieurs ? Ils ne veulent plus rien dire dans une économie mondialisée. L’endettement de la France ? Peu importe, puisque, grâce aux services du trésor, nous plaçons notre dette aux meilleures conditions possibles. La disparition du tissu des moyennes entreprises ? Ce n’est pas grave : nous avons le CAC 40 ! L’énergie ? Pas la peine de réfléchir au futur, puisque nous avons la rente nucléaire et qu’il est plus important de privatiser EDF que d’investir sur le long terme.
Quant au logement, le lobby de Bercy va faciliter, organiser la sortie des institutionnels, notamment les compagnies d’assurance, en leur permettant de vendre leurs immeubles hors plus-values.
Ce désintérêt pour l’industrie va culminer, en 2007, avec Nicolas Sarkozy puisque, dans le premier gouvernement Fillon, le terme même de l’industrie a disparu. Il y a bien un ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi : Christine Lagarde. Mais d’Industrie, point. Pas même un secrétaire d’État. Et ce n’est qu’en novembre 2010 que le nom est revenu, mais avec un strapontin, sous la tutelle, bien sûr, du ministre de l’Économie et des Finances.
Idem pour le logement. On n’a traité le sujet que par rapport aux quartiers sensibles. En négligeant cette vision d’ensemble que nécessite une véritable politique du Logement. On n’en a fait ensuite qu’un simple appendice du Développement durable. Puisqu’en 2009, le logement n’existe plus en tant que tel, mais comme une composante de ce vaste ministère fourre-tout de l’écologie, du développement durable, des transports et du Logement.
Alors si nos candidats veulent vraiment faire de l’industrie et du logement leurs priorités, ils vont devoir se donner les moyens de leurs ambitions. Et changer profondément la structure de l’appareil gouvernemental, déplacer les centres de pouvoir. Cela veut dire que le futur ministre de l’Industrie, comme celui du logement doivent, non seulement être des ministres de plein exercice, mais qu’ils doivent avoir le pouvoir sur d’autres ministères, pour bien traduire les nouvelles priorités.
Le patron à Bercy devrait donc être désormais LE ministre de l’Industrie avec des secrétaires d’État, notamment au Budget, pour l’assister. Idem pour le Logement qui doit redevenir un grand ministère, si l’on veut vraiment s’attaquer au problème. Comment basculer une politique qui a privilégié la macro-économie au détriment de la micro-économie ? Une politique qui, quels que soient les habillages, a privilégié démesurément le monde financier par rapport au reste de l’économie ? Un monde financier que Bercy a incarné, presque sans s’en rendre compte. Or, si l’on veut vraiment changer les choses, définir de nouvelles priorités et mettre en œuvre les politiques nécessaires, il va falloir oser. Oser s’attaquer aux citadelles du pouvoir. Oser s’attaquer au cœur même de Bercy. Le prochain président saura-t-il, voudra-t-il, pourra-t-il s’attaquer à cette forteresse ? Une chose est sûre : si on laisse les choses en l’état, tous les discours sur la réindustrialisation ou sur la relance du logement ne seront, une fois de plus, que des promesses électorales non tenues.
Jean-Michel Quatrepoint, Démanteler Bercy pour reconstruire l’économie, une vidéo Xerfi Canal.
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