Espionnage économique américain : des Européens bien naïfs
Publié le mardi 9 juillet 2013 . 4 min. 33
Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, Journaliste-essayiste
L'oncle Sam est de retour, et pas sous son meilleur jour. Oui, les Etats-Unis espionnent. Pas seulement leurs ennemis ou des terroristes potentiels. Mais tout le monde. À commencer par leurs alliés, leurs partenaires de l'OTAN. Certes, cet espionnage peut paraître moins agressif, sous le couvert du visage amène de Barack Obama. D'un Richard Nixon ou d'un Bush on pouvait s'attendre à tout mais sous ce président si distingué, si démocrate?
La réalité, c'est qu'il a beau être le président des Etats-Unis, il y a des domaines où son pouvoir est limité. La sécurité, l'intelligence au sens anglais du terme, en font partie. Tout président doit composer avec la CIA, le Pentagone, le FBI et la NSA. Une NSA dont le pouvoir a grandi démesurément au fur et à mesure que celui de la CIA s'étiolait et que l'espionnage devenait de plus en plus technologique.
Le réseau Echelon, les « grandes oreilles » écoutent et interceptent les communications depuis des décennies. À l'origine, à l'époque de la guerre froide, il s'agissait d'écouter les soviétiques. Et, dans les années 90, puisqu'il n'y avait officiellement plus d'ennemis militaires, on a réorienté le réseau vers l'information économique. C'est ainsi que la NSA, comme la CIA, étaient passés à côté des réseaux de Ben Laden. Ce dernier et les islamistes ne figurant pas dans les priorités des logiciels d'écoute. Depuis le 11 septembre, bien sûr, tout a changé. La lutte contre le terrorisme est devenue l'objectif principal, pour ne pas dire l'alibi du réseau Echelon. Car, au fur et à mesure que les technologies progressent, le réseau Echelon, la NSA peuvent tout écouter, tout lire, tout décrypter.
Le sort de Ben Laden réglé, les réseaux terroristes contenus, cette machine de guerre, ces grandes oreilles de l'oncle Sam se remettent tout naturellement au service des intérêts économiques des Etats-Unis. Et comme les Etats-Unis entendent demeurer l'hyper puissance, ils écoutent, ils s'informent, tous azimuts. Avec, au passage, la participation des alliés les plus sûrs, comme la Grande-Bretagne, partie prenante au réseau Echelon. La Chine, accusée par ailleurs d'espionnage informatique, est bien évidemment visée. Mais aussi, les Européens. Jusques et y compris l'Allemagne. Des Européens qui, face aux révélations de l'ex-consultant de la NSA, ont réagi, pour les uns avec une grande naïveté, pour les autres avec le plus profond cynisme.
Les naïfs ce sont ceux qui s'imaginent qu'on ne s'espionne pas entre partenaires. Ces naïfs ont cru au mythe de la mondialisation heureuse et n'ont rien compris aux réalités de la guerre économique. On peut ranger dans cette catégorie, la gauche allemande et les élites françaises.
Oui, la France a pratiqué l'intelligence économique pour défendre ses intérêts industriels et commerciaux. Mais c'était dans un autre temps. Avant la chute du mur de Berlin. Quand nous avions encore une diplomatie et une politique de défense indépendantes. Depuis vingt ans, le renseignement économique est le parent pauvre de nos services. Les maigres moyens dont ces derniers disposent sont concentrés sur les risques du terrorisme islamique. Mais quant à savoir ce qui se passe dans les labos de la Silicon Valley, dans les centres d'écoute d'Echelon ou au sein du cabinet de Mme Merkel, c'est une autre affaire ! Non seulement on ne sait rien, mais on ne veut pas savoir puisque ce sont nos alliés.
Quant aux cyniques, à commencer par Monsieur Barroso et Angela Merkel, ils laissent passer l'orage médiatique des révélations de Peter Snowden. Ils n'ont pas été surpris, car ils savent depuis longtemps ce qu'est Echelon. Et ils ne s'en offusquent pas puisque, in fine, l'alignement sur Washington leur est naturel. Les négociations transatlantiques vont donc commencer le 8 juillet. On amuse la galerie et les médias en expliquant que l'on parlera en parallèle de l'espionnage économique. Mais l'objectif est bel et bien de parvenir à un accord où la NSA et Echelon seront, en filigrane, parties prenantes, puisque les données qu'ils exploitent seront rétrocédées aux géants américains du Net, qui pourront alors exploiter à loisir nos mémoires, notre vie privée, nos cerveaux. En payant le minimum.
Jean-Michel Quatrepoint, Espionnage économique américain : des Européens bien naïfs, une vidéo Xerfi Canal
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