Xerfi Canal a reçu Jean-Michel Quatrepoint, journaliste-essayiste
Le logement s’est invité dans la campagne électorale. Il était temps ! Le logement est en effet devenu le premier facteur d’exclusion dans notre pays. Deux chiffres résument la dégradation de la situation. Il manque aujourd’hui plus d’un million de logements en France : logements sociaux, habitations d’urgence pour les SDF, mais aussi appartements pour la classe moyenne qui ne peut plus payer les prix des grandes villes.
Second chiffre : un ménage français consacre plus de 30% de ses revenus pour se loger, contre 20% seulement pour un ménage allemand. C’est là un différentiel qui explique, en partie, les différences de pouvoir d’achat et de compétitivité entre Allemands et Français.
L’objectif numéro un est donc de faire baisser le prix de l’immobilier. Surtout, en zone urbaine. Que ce soit le prix au mètre carré ou le montant des loyers.
Comment y parvenir ? D’abord, en pratiquant une politique de l’offre. C’est-à-dire en retrouvant un rythme de construction d’au moins 500 000 logements par an, alors que l’on est retombé à 340 000.
Une politique de l’offre qui doit concerner tous les segments de ce secteur, et pas seulement le secteur dit social. Car Il faut, bien évidemment, construire des logements pour les classes moyennes, les cadres, en centre-ville qui ne relèvent pas du statut HLM. Il existait d’ailleurs autrefois des ILN, des immeubles à loyers normaux.
Il faut, bien évidemment, construire des appartements, des maisons individuelles, qui seront occupés par des propriétaires, ou par des locataires. Avoir voulu faire de chaque Français un propriétaire était une erreur. On a poussé, on pousse, des familles surendettées à acheter un logement, ce qui nuit aussi à la nécessaire mobilité des ménages.
Le rôle d’un gouvernement, sa responsabilité est de permettre à tout Français d’avoir un logement décent, en fonction de ses moyens. Cela peut passer par l’accession à la propriété comme par la location.
Accroître les mises en chantier ne suffira pas à faire baisser les prix tout de suite. Aussi faut-il jouer sur les deux principales composantes du prix du neuf : le foncier et le coût construction.
En ce qui concerne le foncier, François Hollande a repris une bonne idée : la mise à disposition des terrains de l’État ou d’institutions publiques. À des prix qui ne soient pas ceux du marché et de la spéculation.
Toutes les formules existent : on pourrait par exemple faire en sorte que ces terrains soient loués avec des baux de différentes durées selon la nature de la construction. 99 ans pour le social. 20 ans pour du privé haut de gamme. Tous les outils juridiques existent. Il suffit d’avoir la volonté politique de les utiliser.
Autre moyen pour faire baisser le coût de la construction : en finir avec les recours abusifs comme avec l’accumulation des diagnostics, et la multiplication des nouvelles normes, Tout cela se retrouve bien sûr dans les prix.
Une politique de l’offre, une action sur les prix du foncier et les coûts de construction ne sont qu’un des volets de ce Plan Marshall pour le logement dont a besoin notre pays.
Il faut aussi mobiliser les investisseurs. C’est là un aspect qui reste très flou dans les programmes de François Hollande comme de la droite d’ailleurs. Pour une raison simple : tout deux sont inspirés par Bercy et par une certaine idéologie ambiante, qui veut faire de l’immobilier et du patrimoine immobilier la source de tous nos maux.
Ce serait un patrimoine qui dort, et qu’il convient donc de taxer au maximum. C’est ce que le gouvernement a fait ces dernières années. La politique fiscale a poussé les investisseurs institutionnels à se dégager de l’immobilier et à réaliser leurs plus values en franchise d’impôt.
On a aidé les grands promoteurs, à travers les usines à gaz fiscales du Besson, puis du Scellier. Mais les petits propriétaires bailleurs, eux, ont été matraqués fiscalement. Bref, on a fait fuir l’argent privé de ce secteur.
Or, une véritable politique du logement implique une mobilisation de tous les acteurs et pas seulement ceux du logement social. C’est le secteur privé qui assure la fluidité du marché. On a besoin que les grands institutionnels, les assureurs, reviennent sur le marché locatif.
On a besoin des petits investisseurs privés, ces petits propriétaires bailleurs qui trouvent là des revenus complémentaires, dans la perspective de leur retraite. Encore faut-il les inciter à investir dans un secteur qui a toujours été une composante majeure de la croissance et de l’emploi… dans notre pays.
Derrière une maison, un appartement, une tour, il y a toute une filière industrielle qui ne demande qu’à se développer et à innover : matériaux de construction, domotique, économies d’énergie, équipements d’intérieur, architecture. La France a des compétences dans tous ces domaines. Valorisons-les.
Jean-Michel Quatrepoint, Un Plan Marshall pour le logement, une vidéo Xerfi Canal.
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