Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
L'économie française s'enferme chaque jour un peu plus dans l'impasse des non choix ou des non-dits stratégiques. A l'extérieur, l'étau se resserre toujours plus. La déflation salariale du Sud, la concurrence fiscale du Nord sapent les débouchés et la compétitivité des exportateurs. A l'intérieur, la dégradation des marges des entreprises pénalisent l'emploi et le pouvoir d'achat. L'horizon est maintenant bouché de tous côtés. Les entreprises ne verront venir leur salut ni de la consommation, ni des marchés étrangers. Résultat, l'objectif d'assainissement financier est hors de portée et le cercle vicieux de la marginalisation économique est lui, bien réel.
Que la crise soit de nature structurelle ou conjoncturelle, une chose est sûre. Sa durée fait que notre potentiel s'affaiblit : casse industrielle, casse humaine, sous-investissement, vieillissement des structure. Face à cela, les profits, l'investissement, les marchés porteurs, l'attraction des compétences sont de l'autre côté du Rhin. Les marges de man?uvres également : aussi bien salariales que budgétaires. L'on pressent bien qu'une simple pause dans la rigueur ne suffira pas à nous extraire de ce piège de la divergence. Et avec un rapport de force qui joue de plus en plus en notre défaveur, la dénonciation du manque d'altruisme de Berlin ou les propos incantatoire en faveur d'un gouvernement économique sont sans portée.
C'est en réponse à ce déclassement programmé que doit être comblé notre vide stratégique. A défaut de quoi les choix s'imposeront d'eux-mêmes.
Le premier choix par défaut, c'est celui de la dévaluation salariale. C'est l'option imposée au Sud de l'Europe. C'est celle du bradage de la main d'?uvre. C'est celui de la satellisation économique. A terme, et on le voit déjà, le salut du Sud viendra des investissements et des transferts étrangers. Etre des pays ateliers, accueillir les touristes et les retraités des pays donneurs d'ordre, et offrir des cerveaux aux centres de décision du c?ur de l'Europe. On est là bien loin des promesses de la stratégie de Lisbonne d'une économie de la connaissance pour tous.
Le second choix par défaut, c'est celui de la sortie de l'euro. Même si l'option peut s'avérer être la seule viable au-delà d'un certain seuil de divergence, elle n'en reste pas moins régressive pour l'ensemble des pays européens.
Face à ces deux options, nos atouts, peut-être plus encore que nos faiblesses nous obligent à agir. Nous ne sommes ni suffisamment déclassés, ni suffisamment excentrés pour jouer la carte du bradage salarial et social ou pour nous disqualifier de l'euro. Il y a nos champions multinationaux, il y a notre terreau technologique, trop souvent sous-estimé, notre diversité sectorielle, nos infrastructures. En somme nous avons trop à perdre? Notre vocation n'est pas d'être des sous-traitants de l'Allemagne, mais bien d'offrir un contrepoids aux tentatives hégémoniques en Europe.
L'exhortation à des réformes courageuses est bien sûr une posture facile, voire agaçante lorsqu'elle émane des cercles ouatés des institutions internationales. Mais il faut voir les choses telles qu'elles sont. Si la France ne veut pas de devenir la grande perdante de la guerre de mouvement qui se joue aujourd'hui, elle doit oser une politique de l'offre. Oser cette politique, c'est d'abord réformer notre fiscalité pour organiser en priorité une baisse des charges pesant sur le travail. C'est parallèlement de rationaliser l'État. C'est bien ce qui se trame en sourdine et à petites touches. Et c'est finalement la vocation historique de la gauche en Europe. De Pierre Mauroy en passant par Gerhard Schröder, le contre-emploi est un grand classique auquel François Hollande n'échappera pas. Autant l'assumer et l'accompagner de la pédagogie nécessaire.
Olivier Passet, France : l'audace ou le déclin ?, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 27 mai 2013 . 4 min. 20
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