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Dans quel état financier seront les entreprises au lendemain du 11 mai ? Près de deux mois d’arrêt de la production pour un bon nombre d’entre elles, perte de 50% du chiffre d’affaire en moyenne pour les entreprises de la sphère marchande… Il s’agit là d’un choc inégalé. Qui paraît à première vue difficilement rattrapable sans casse massive. Il est bien sûr délicat de parler des entreprises en bloc, tant le terme recouvre une diversité incroyable de situations.
Je vais d’abord parler en moyenne avec toutes les limites que cela comporte. Pour souligner une première chose. Pour nos entreprises « hibernatus » du confinement, c’est moins le confinement que l’après-confinement qui sera problématique. Car à court terme, les dispositifs de sauvegarde mis en place par Bercy constituent une véritable bouée de sauvetage.


1 salarié sur deux pris en charge par l’État


L’enquête Acemo (activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre) menée début avril par la Dares auprès des entreprises de dix salariés ou plus, nous indique une première chose. Face à l’urgence, ces dernières ont fait feu de tout bois et activé tous les leviers : fin mars, un quart des salariés travaillaient sur site, un quart en télétravail. Un quart avait déjà basculé en chômage partiel et le reste en congés, arrêt maladie, garde d’enfants. Autrement dit, avant même que le chômage partiel batte son plein, 50% de la main-d’œuvre était sortie des lignes de coût des entreprises.


Une fois ces solutions provisoires écrémées, la bascule s’opère aujourd’hui massivement sur le chômage partiel. Ce dernier représente déjà au 22 avril 54% de l’emploi marchand. Si ces demandes d’autorisation se concrétisent (ce qui est probable), cela signifie que l’État prend à sa charge le coût et les charges sociales afférentes à la moitié des salariés. Ce qui est bien à la hauteur d’une perte de 50% du chiffre d’affaires en moyenne. C’est le dispositif amortisseur numéro 1 : au regard du nombre de salariés concernés, il est clair que la majeure partie des entreprises échappent au principal écueil de cette période : l’obligation de verser des salaires à une main-d’œuvre inopérante. Cette obligation aurait ravagé les trésoreries et engendré des licenciements massifs, à l’instar de ce que l’on observe aux États-Unis.


Moratoire sur les charges financières et fiscales


Il reste bien sûr toutes les autres lignes de coûts :


- Concernant les consommations intermédiaires les entreprises sont avant tout confrontées à l’apurement des obligations contractées avant le confinement. Et certaines (loyers, expertise comptable, services juridiques) continuent à courir.


- En revanche, du côté des charges financières et fiscales, il y a un vrai moratoire. Concernant ces charges, l’État a mis en place des possibilités de paiement différé et d’échelonnement qui permettent un report d’un à 3 mois ou plus évitant un étranglement. Reste quoi qu’il arrive une dernière ligne de protection : le système de prêts garantis par l’État et avec un différé d’amortissement d’un an et un remboursement extensible 5 ans. À ce jour, on estime à près de 40 Md€ les montants débloqués sur une enveloppe de 300 Md€ prévue par l’État. Cela peut sembler peu. Mais doit être mis au regard de toutes les autres possibilités en amont de sauvegarde de la trésorerie. Qui visiblement fonctionnent et modèrent le besoin de crédit à ce stade.


Beaucoup de casse à attendre côté TPE et auto-entrepreneurs


Derrière cette moyenne, qui sort de son champ les plus petites structures, il y a bien sûr la constellation des plus de 1,5 million d’autoentrepreneurs, à quoi il faut ajouter 2,2 millions de TPE. Cela recouvre une population de plus de 3 millions d’indépendants et de 2,3 millions de salariés en équivalent temps plein, soit près de 20 % de la force de travail en France. Là, on s’en doute, la situation est beaucoup plus précaire. Le gouvernement a prévu de débloquer 8 Md€ du fond de solidarité en élargissant son éligibilité aux structures les plus fragiles. Est-ce assez ? Sans doute pas. Ce périmètre-là de l’économie, c’est 500 Md€ de chiffre d’affaires… 8 sur 500, c’est 1,6% du chiffre d’affaires annuel. Cela paraît bien court. A ce niveau, il risque d’y avoir beaucoup de casse. Mais même sur ce périmètre, le chômage partiel facilite l’équation, lorsqu’il y a des salariés. C’est le cas de l’hôtellerie et de la restauration dont plus de 80% des employés sont pris en charge par l’État, ou même du commerce.


Bref, le gouvernement fait le job. Et à court terme, les entreprises sauvent les meubles. C’est sans doute ce qui explique que celles déclarant que la crise n’a pas eu d’effet sur l’évolution de leurs effectifs début avril représentent 85 % de l’emploi marchand non agricole. C’est un résultat remarquable.


Restent deux grands écueils :


1. La gestion des mois post-confinement, où les entreprises seront prises en étau entre un chiffre d’affaires convalescent et les charges (fiscales, sociales, et autres) différées du confinement. C’est là que l’impasse de trésorerie sera la plus aigüe et c’est là que devra jouer à plein le système de prêts garantis par l’État. Imaginons que les entreprises empruntent en moyenne un mois de chiffre d’affaires, soit 250 Md€. C’est un choc important sur l’endettement à court terme qui majore plusieurs années le service de leur dette. Mais cela reste absorbable, amorti sur 5 ans. Sans compter le fait que le volant de trésorerie des entreprises est bien plus élevé aujourd’hui qu’il ne l’était au début des années 2000. Bref, cet écueil ne tue pas les entreprises en masse.


2. Deuxième écueil, financer le repositionnement, la restructuration de pans entiers de l’économie, de la distribution, en passant par les transports, l’aéronautique, l’automobile. Le gouvernement est en passe de gagner la première manche du jeu en défense. Il lui reste à engager une seconde manche décisive en attaque. C’est une affaire de politique industrielle, sans laquelle les problèmes financiers resurgiront, mais cette fois-ci de façon structurelle et mortelle.


Publié le vendredi 24 avril 2020 . 6 min. 44

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