Comment faire pour incarner la continuité et susciter du désir quand le courant que l’on représente est devenu le point focal du mécontentement ? C’est le défi quasi impossible de Renaissance. Face aux promesses de rupture des blocs concurrents, armés de promesses sociales fortes, il ne reste plus que la carte de la stabilité. Moi ou le chaos. C’est une carte qui peine à convaincre lorsque la politique raisonnable que l’on incarne est associée à l’une des plus fortes poussées de l’endettement depuis l’après-guerre. Mais elle dispose de quelques arguments dans le contexte de très forte incertitude géopolitique et financière qui caractérise l’économie mondiale depuis 2020. Quand les agences de notation sont aux aguets. Quand la Commission européenne tire la sonnette d’alarme. C’est donc la carte jouée par le parti présidentiel.
Pause sur la politique de l’offre
Le programme Renaissance, c’est d’abord un statu quo implicite lourd de conséquences. Celui du maintien des réformes déjà actées : fiscalité, retraites, loi du travail, chômage, formation, etc. C’est la spécificité principale d’une plateforme dont la première singularité est de ne pas détricoter l’acquis libéral macronien. De l’aisance financière des entreprises, de la limitation des risques qui pèsent sur le capital dépend tout le reste : l’emploi, les salaires, l’investissement, l’attractivité. Une politique de l’offre étant à infusion lente, elle a besoin de constance. La seule concession faite à la pression de l’opinion, c’est l’abandon de la thématique de l’accélération des réformes. Il s’agit maintenant de gérer l’acquis, sans pousser plus loin le bouchon. Pause sur la politique de l’offre donc.
Il faut bien sûr un peu de changement dans la continuité. Le parti présidentiel ne peut ignorer le premier rang que tient la problématique du pouvoir d’achat dans l’opinion. Les mesures de soutien aux dépenses des classes moyennes et populaires sont bien en devanture du programme, mais avec un coût direct ou indirect limité pour les finances publiques. Avec 1/ l’extension de la prime de partage de la valeur, dite Macron, exonérée de charges fiscales et sociales pour les salariés gagnant jusqu’à trois fois le SMIC, avec un plafond porté à 10 000 € par an et une possibilité de mensualisation ; 2/ la baisse de 10 à 15% à partir de février 2025 des tarifs réglementés de l’électricité pour les entreprises et les particuliers ; 3/ le transfert des cotisations sociales des salariés vers la TVA pour augmenter les salaires nets ; 4/ l’exonération des frais de notaire pour les primo-accédants jusqu’à 250 000 euros ; 5/ la création d’un fonds de rénovation énergétique pour les classes moyennes et populaires, avec pour objectif la rénovation de 300 000 logements d’ici 2027. Et enfin, l’extension de la complémentaire santé solidaire à 1 euro par jour aux retraités, étudiants, indépendants et demandeurs d’emploi sans mutuelle.
Capitaliser sur la peur des concurrents
Il ne peut ignorer non plus l’urgence écologique. C’est même là que figure l’objectif le plus ambitieux du programme… si ambitieux d’ailleurs qu’il peut être suspecté d’irréaliste : 20% de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2027, c’est héroïque. D’autant que le programme s’en remet exclusivement à l’investissement dans le nucléaire et les énergies renouvelables pour atteindre ses fins… autant dire des processus de longue haleine, ne commettant pas l’imprudence de jouer les taxes. L’ambition risque de surcroît d’être contrariée par le reflux des prix de l’énergie.
Mais c’est sur la peur que peuvent susciter le RN et le nouveau front populaire en matière de crédibilité budgétaire que Renaissance entend surtout capitaliser. Il ne lui en faut pas beaucoup pour cela : 1/ la confirmation d’un moratoire sur les hausses d’impôt et 2/ 10 milliards d’économies budgétaires supplémentaires en plus de celles déjà actées. Même flou que les autres sur le chiffrage ; même absence de bouclage véritable… mais partant de promesses bien moins coûteuses et surdimensionnées que les coalitions concurrentes… cela suffit à créer par contraste un sentiment de sérieux.
Le programme de Renaissance, c’est au fond du « en même temps homéopathique ». Un peu de pouvoir d’achat, un peu de consolidation budgétaire (plus postulée qu’avérée) et un volontarisme écologique qui n’engage rien d’autre que ce qui est déjà acté… Cela s’appelle de la prudence. Et à défaut de rêve, c’est le fonds de commerce sur lequel le parti présidentiel espère déclencher un vote, un vote de résignation à défaut d’être d’adhésion.
Publié le mercredi 26 juin 2024 . 5 min. 07
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d'Olivier Passet

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