Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses de Xerfi
Le mouvement est produit par une suite de déséquilibres et il en est de même en économie. Il ne peut y avoir de croissance en économie sans succession de déséquilibres. C’était une des critiques adressée par certains économistes aux modèles d’équilibre général. Si tout été arbitré parfaitement en économie, si les taux d’intérêt notamment étaient en permanence égaux au rendement attendu du capital, il n’y aurait plus d’opportunités d’investissement. Ce serait l’état stationnaire.
Quand en plus, l’équilibre n’est abordé que sous l’angle comptable. C’est-à-dire que l’on envisage objectif de déficit zéro, que ce soit pour les agents privés ou publics, on bascule simplement dans l’hérésie économique. Les besoins d’investissement privés et collectifs ne sont pas les même selon le stade de développement d’une économie et la capacité d’épargne varie de son côté avec la pyramide des âges, avec l’état d’avancement des institutions sociales. S’il est un apport de la mondialisation c’est bien celui d’avoir désenclavé l’épargne. Les marchés financiers, sont là, en théorie du moins, pour réallouer l’épargne. Entre agents privés, les agents privés et l’État, et entre pays et régions du monde.
Se priver de cette possibilité c’est simplement contraindre considérablement les potentiels d’investissement, d’innovation et donc de croissance.
Cela est vrai notamment pour les Etats. Se fixer l’objectif de déficit zéro, c’est contingenter artificiellement les possibilités d’investissement collectifs.
C’est au nom de l’équilibre assécher les marchés des obligations publiques et ne plus produire aucun support sûr et liquide pour composer des portefeuilles d’actifs diversifiés.
C’est donc au nom de l’équilibre comptable entraver l’équilibre économique et notamment la possibilité pour la finance de pondérer correctement les risques. C’est d’ailleurs lorsque les Etats unis ont brièvement côtoyé l’équilibre budgétaire à l’aube des années 2000 que le poison de la titrisation triple A Fannie Mae et Freddie Mac a contaminé la finance mondiale.
C’est laisser aux Etats-Unis demain, qui ne succomberont pas à l’hérésie du déficit zéro, le soin d’absorber et de recycler les excédents d’épargne du monde, pour leurs propres infrastructures ou pour le réinvestir dans la prise de contrôles des groupes étrangers et s’approprier de la sorte de nouveaux marchés.
Alors oui, la dette publique doit être soutenable ; Oui la France a abordé la crise avec un déficit excessif, mal piloté. Oui les pays développés peuvent avoir intérêt transitoirement à se rapprocher d’une cible de déficit zéro pour organiser le reflux de leur endettement.
Mais revendiquer un objectif universel de déficit zéro pour les Etats témoigne d’une inculture économique au moins équivalente à celle qui sous-tend le mythe de la planche à billet pour les Etats.
Alors, je le sais bien, il y a le modèle envié du Canada qui traverse la crise mieux que les autres pour avoir aborder la crise en déficit zéro et l’avoir érigé en règle. Sauf que lorsque l’on est le Canada, que votre principal voisin fait 10 fois votre taille, vous entraine dans un sillage de croissance supérieur à 2 %, appuie quand c’est nécessaire sur l’accélérateur budgétaire, et représente 76 % de vos exportations alors la contrainte il est vraie a un impact récessif très dilué.
Quand l’Allemagne mène la même politique dans le contexte européen elle ne fait que saper la croissance des générations futures, sur son sol et sur l’espace européen. Elle sert au mieux les intérêts des retraités d’aujourd’hui en s’abritant à tort derrière le motif de la solidarité intergénérationnelle.
Olivier Passet, Le déficit zéro est une hérésie économique, une vidéo Xerfi Canal
Publié le jeudi 20 novembre 2014 . 3 min. 42
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